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"Les bons signes sont encore à venir"

vendredi 30 mars 2007 - 06h:38

René Backmann - Le Nouvel Obs

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Trois questions à René Backmann, rédacteur en chef
du service ’Monde’ du Nouvel Observateur.

1. Pourquoi la Ligue arabe tente-t-elle aujourd’hui de relancer l’initiative saoudienne de 2002 ? L’influence croissante de l’Iran dans la région est elle une raison ? Comment expliquer l’implication du roi Abdallah ?

L’influence croissante de l’Iran dans la région - et la volonté que pourrait avoir l’Arabie saoudite d’y répondre - pourrait être en effet une explication. Chacun sait depuis longtemps, au Proche-Orient, que la situation de la région ne pourra pas être stabilisée tant que la question israélo-palestinienne ne sera pas résolue. Les responsables américains en avaient eux-mêmes conscience avant l’arrivée au pouvoir de George W. Bush et de son équipe de néoconservateurs, très influencés par les idées du Likoud et très proches des positions d’Israël.

Les Arabes, dans leur majorité - surtout les pays dits "modérés" - et les dirigeants Palestiniens, ont compté pendant longtemps sur le poids américain pour convaincre Israël de revenir à la table de négociation désertée depuis plus de 5 ans. Mais l’engagement des Etats-Unis en Irak, puis leur enlisement, ont progressivement conduit Washington à abandonner le dossier israélo-palestinien ou à se ranger systématiquement derrière Israël -ce qui ne fait pas d’eux les intermédiaires idéaux pour renouer le dialogue et le patronner.

Le désastre irakien, puis la défaite des Républicains -largement explicable par le fiasco irakien- ont peut-être rendu un peu de crédit à ceux, à Washington, qui considèrent la question israélo-palestinienne comme la clé de la stabilité au Proche-Orient et qui estiment que les Etats-Unis devraient reprendre en mains ce dossier, pour tenter d’obtenir au moins un début de succès diplomatique, et aussi pour montrer à l’ensemble du monde arabe que l’Amérique n’est plus systématiquement à la remorque d’Israël.

Dans cette hypothèse, le roi Abdallah, promoteur en 2002 (alors qu’il était le prince héritier) du "plan de paix arabe", relancé aujourd’hui par le sommet de Riyad, était la personnalité idéale pour prendre cette initiative. Venant des Etats-Unis, elle aurait pu être accueillie avec une certaine suspicion dans le monde arabe. Venant d’un souverain influent mais considéré comme proche de Washington, elle ne peut être rejetée d’emblée par les Israéliens et retient toute l’attention des occidentaux, en particulier du "Quartette" (Etats-Unis, Union européenne, Russie, Nations-Unies).

2. Y a-t-il un espoir qu’Israël réagisse moins froidement à cette initiative qu’en 2002 ? Quels sont les points qui posent le plus problème aux Israéliens ?

En quoi consiste cette initiative ? Sur le fond, le plan de paix de 2002 proposait à Israël le marché suivant : les pays arabes (qui ne l’ont pas encore fait) s’engagent à reconnaitre Israël en échange du retrait Israélien des territoires occupés depuis 1967, de la création d’un Etat palestinien et du règlement de la question des réfugiés palestiniens.

On voit bien quel bénéfice l’application de ce plan aurait pour Israël. La reconnaissance par l’ensemble des Etats arabes est précisément ce qu’Israël recherche depuis sa naissance en 1948. Quant au prix à payer par les Israéliens, il ne devrait a priori par les affoler, puisque c’est celui qu’ils avaient, en principe, accepté en signant les accords d’Oslo en 1993. Bien sur, ce n’est pas aussi simple. En 1993, il y avait 220.000 colons en Cisjordanie et à Jérusalem Est. Aujourd’hui, il y en a 440.000. A cela s’ajoute l’existence du Mur de quelques 700 à 750 km qu’Israël est en train de terminer en Cisjordanie (plus de 500 km ont déjà été construits). Ces "faits accomplis" sur le terrain sont autant d’obstacles, pour les Palestiniens, à une reprise des négociations. Un obstacle, cette fois pour les Israéliens, est la victoire des islamistes du Hamas aux dernières élections législatives palestiniennes (début 2006) et la présence de membres du Hamas au sein du gouvernement de l’Autorité palestinienne.

Attentif aux inquiétudes des Israéliens, devant la victoire électorale du Hamas, le Quartette avait mis trois conditions préalables à la reprise de l’aide internationale à l’Autorité palestinienne interrompue à l’arrivée au pouvoir des islamistes :

- le renoncement à la violence,
- la reconnaissance d’Israël,
- le respect des accords signés.

A la conférence de la Mecque, début février, qui réunissait les différents mouvements palestiniens, le Hamas a accepté de respecter les accords signés. Mais il ne s’est pas engagé à reconnaitre Israël et il a affirmé que les Palestiniens disposaient de leur "droit à la résistance". Il a aussi accepté de constituer, avec le Fatah et des politiciens indépendants, un gouvernement d’Union nationale. C’est celui qui est au pouvoir aujourd’hui. Il comprend des hommes - comme le ministre des Finances Salim Fayad, ancien de la Banque mondiale, qui ont toute la confiance des Occidentaux. Certains responsables occidentaux estiment donc qu’il faut désormais avoir une vision souple de l’application de ces conditions.

Plusieurs pays d’Europe pensent ainsi que l’arrêt de facto des attentats et attaques palestiniennes pourrait être considéré comme un engagement à renoncer à la violence (un tel engagement avait été pris -et tenu pendant de longs mois- par les groupes armés palestiniens après l’élection à la présidence de Mahmoud Abbas). Les mêmes occidentaux -mais les Américains sont nettement plus réservés- pensent par ailleurs que l’acceptation par le Hamas de tous les accords signés par l’OLP depuis 1993 (y compris donc les Accords d’Oslo) vaut reconnaissance de facto d’Israël. Ces accords, disent-ils, ont été signés avec Israël. Les reconnaitre, c’est aussi reconnaitre ipso facto celui avec qui on les a conclus.

Un autre facteur qui pourrait amener le premier ministre israélien Ehoud Olmert à la négociation est sa propre faiblesse et son isolement : très affaibli par la désastreuse gestion de la crise avec le Hezbollah, l’été dernier, Olmert n’est plus jugé crédible que par 2% des Israéliens. Il peut certes se lancer dans une fuite en avant, avec les extrémistes de la colonisation. Il peut aussi estimer que le moment est venu pour lui (comme semblait l’estimer sa ministre des affaires étrangères, Tsipi Livni) de prendre une initiative qui débloquerait la situation et ramènerait un peu d’optimisme et d’espoir dans un pays désenchanté par la guerre avec le Hezbollah, mais aussi par la faillite morale de ses dirigeants, révélée par une multitude "d’affaires"...

3. Où en sont les pourparlers entre Israéliens et Palestiniens ? L’annonce d’une rencontre tous les 15 jours entre Abbas et Olmert est elle un bon signe ?

En dehors de cela, les pourparlers entre Israéliens et Palestiniens sont au point mort. Les rencontres tous les quinze jours sont essentiellement techniques et sécuritaires. Elles ne pourront reprendre sur le fond du dossier que lorsque les Palestiniens auront obtenu la libération du soldat Gilad Shalit, capturé l’été dernier par un commando islamiste à la frontière de Gaza. Et lorsque les Israéliens auront accepté (éventuellement en échange de Shalit) de libérer au moins une partie des 10.000 prisonniers qu’ils détiennent. Parmi les autres points très sensibles demeurent le sort de Jérusalem, la question des frontières (rendue brûlante par le tracé très controversé du mur qui annexe de fait plus de 15%¨du territoire de la Cisjordanie à Israël) et celle des réfugiés... Autrement dit, les bons signes sont encore à venir...

Propos recueillis par Céline Lussato.













René Backmann, Un mur en Palestine, Fayard, 2006

Le Nouvel Observateur, le 29 mars 2007

Du même auteur :
- La dérobade des « néocons »

Sur le même sujet :
- A l’ombre du mur - Comment Israël confisque Jérusalem-Est


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