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15 janvier 2009 : la famille al-Nadeem

mardi 20 mars 2012 - 06h:54

PCHR Gaza

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« C’est Naser qui s’occupait des enfants et de leurs devoirs, surtout l’anglais et les mathématiques. Maintenant qu’il n’est plus là, cette tâche m’incombe. Malgré mes efforts, rien ne peut compenser la perte de mon mari. Il était toujours si affectueux, compréhensif et calme. »

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Majda al-Nadeem avec ses garçons Mohannad, Firas et Bashar

Le 15 janvier 2009, peu après 7h, l’assaut a été donné par l’armée israélienne. Utilisant des balles réelles et tirant un obus d’un char, les soldats avaient pris pour cible Naser al-Nadeem et ses deux garçons Bashar (17 ans) et Firas (15 ans) qui fuyaient au même moment leur maison située dans le quartier de Tal al-Hawa dans la ville de Gaza.

Les deux garçons avaient subi des blessures de gravité moyenne contrairement à leur père. Après neuf mois de soins médicaux intensifs en Egypte et à Gaza, le père de famille, âgé alors de 44 ans, a fini par succomber à ses blessures. Il a laissé son épouse, Majda al-Nadeem, 45 ans, la seule responsable de la famille composée de trois garçons : Mohanned (19 ans), Bashar (17 ans), Firas (15 ans) et deux filles : Dima (14 ans) et Tala (9 ans).
 

Tout en souriant à ses garçons, Majda raconte : « Ce sont mes enfants qui me donnent la force pour continuer. En fait, je suis originaire de Damas (Syrie) et j’ai rencontré le père de mes enfants là-bas alors qu’il étudiait. Nous nous sommes mariés en 1990 et sommes rentrés à Gaza. L’idée de retourner à Damas pour vivre auprès des miens tourne toujours dans ma tête, mais je me dis qu’après tout, il est préférable pour mes enfants de rester à Gaza. Leur maison est ici et je fais de mon mieux pour les protéger ».
 

Aujourd’hui, toutes les responsabilités de la famille, qu’elles soient d’ordre financier ou prise en charge des enfants, retombent sur les épaules de Majda. Elle reconnaît : « C’est Naser qui s’occupait des enfants et de leurs devoirs, surtout l’anglais et les mathématiques. Maintenant qu’il n’est plus là, cette tâche m’incombe. Malgré mes efforts, rien ne peut compenser la perte de mon mari. Il était toujours si affectueux, compréhensif et calme. ».
 
Ainsi, Majda nous raconte son quotidien sans Naser et nous explique comment elle parvient à subvenir aux besoins les plus vitaux de sa famille. « Mon mari et son partenaires étaient à la tête d’une entreprise d’ingénierie et nous menions une vie agréable. Cependant, tout a basculé et mon souci majeur à présent est l’avenir de mes enfants et comment dois-je faire pour subvenir à leurs besoins : comment faire pour les nourrir, pour payer les écoles, l’électricité et l’eau pour ne citer que ceux-là ? La pression ne cesse d’augmenter et ça joue sur mon moral. Nous avons reçu des sommes d’argents de l’Union des Ingénieurs Palestiniens et d’autres organisations de charité mais ça reste une solution temporaire et insuffisante. En outre, ma famille en Syrie essaie de contribuer financièrement, notamment pour la réparation des dommages que la guerre a fait subir à notre maison. Il y avait des traces de fumée partout et il fallait en fait refaire la salle de bain, la cuisine et le système d’évacuation. Je dois reconnaître que notre situation financière s’est dégradée au fil des trois dernières années. Il y a quelques jours, l’électricité a été coupée pour défaut de paiement ».
 

Cette situation délicate reste mal perçue par les enfants qui étaient habitués à un autre mode de vie. A ce titre, Majda avoue : « Mes enfants ont du mal à comprendre que je ne peux pas leur procurer ce que les autres enfants possèdent. D’autre part, il fallait qu’ils quittent l’école privée pour le public, mais l’adaptation reste difficile. En somme, ils ne sont pas convaincus que je ne puisse plus leur offrir tout ce qu’ils désirent ».

Le jour de l’incident, deux des cinq enfants avaient été touchés avec leur père. Aujourd’hui, les blessures physiques pèsent encore sur le quotidien de Bashar et Firas. Le genou droit de Firas a été fracturé par une balle. En conséquent, sa jambe droite qu’il ne peut plier est plus courte que la gauche. La maman explique : « L’an dernier, les médecins ont placé du platine dans le genou de Firas. Comme il est encore jeune, les médecins devront attendre qu’il soit adulte pour décider d’une autre intervention chirurgicale. Malgré cela, leur verdict est clair ; il n’y aura pas grand changement et le genou ne redeviendra plus comme avant ». Firas ajoute : « Avant, je pouvais jouer à faire du karaté avec Bashar, mais plus maintenant. Je ne peux même pas courir. A présent, je joue au ping-pong ».
 

Pour sa part, Bashar a reçu des éclats d’obus au niveau de sa jambe gauche, de son bras droit et de son dos. Sa jambe est à présent difforme et il souffre de temps à autre de douleurs dues aux infections et des lésions musculaires. Majda confie : « Bashar est un garçon sportif. Il pratiquait le karaté mais il ne peut pratique que la gymnastique à cause de ses blessures. Il a une bonne volonté à poursuivre ses activités sportives en dépit de ses blessures ».
 

Blessés, les deux frères ne pouvaient retourner à l’école qu’après un semestre. Pour qu’ils ne ratent pas leurs cours, Majda avait contacté le Ministère de l’Education pour demander un enseignement à domicile pour ses garçons. Ces derniers ont de ce fait eu des professeurs de maths, de langues arabe et anglaise et ont réussi à finir l’année avec succès.
 

Ainsi, et même si Majda et ses enfants regardent vers l’avenir avec optimisme et confiance, les séquelles psychologiques de l’offensive resteront à jamais gravées dans leurs mémoires. Majda avoue : « La guerre a changé mes enfants. L’expérience que nous avons vécue a été très pénible, même sur nous adultes. Nous vivons dans une peur constante surtout lorsque nous entendons des explosions. Le souvenir de la guerre nous hante. Imaginez si moi j’ai peur, alors quel sera le sentiment de mes enfants ». Elle ajoute : « L’année qui a suivi la mort de son père, Firas se réveillait au milieu de la nuit et criait ’je veux mon père’. Par la suite, en grandissant, il a fini par comprendre que son père ne reviendra jamais. D’autre part, le rendement scolaire de Bashar et Firas a régressé, mais il commence à se redresser, certes pas comme d’avant la guerre, mais les choses s’améliorent, sauf pour Firas dont la vie reste freinée par son traitement médical ».
 

La famille al-Nadeem fait part au PCHR de son besoin réel. La mère de famille avoue qu’ils ont besoin d’un soutien psychologique. Toutefois, elle regrette : « Les gens travaillant dans ce domaine ne viennent nous voir que pour leurs propres intérêts. Ils nous prennent en photo ou enregistrent des vidéos rien que pour le profit de leurs organisations », et Bashar qui ajoute : « Une fois, une psychologue était venue me voir mais je ne puis rester avec elle. En fait, c’est elle qui avait besoin d’aide, pas moi. Je lui ai dit cela et j’ai quitté la pièce ».

« La seule organisation que je respecte est Médecins Sans Frontières. Ses représentants sont venus lorsque mes enfants sont sortis de l’hôpital. Ils nous rendaient visite pendant toute une année jusqu’au rétablissement de mes enfants », conclut Majda.
 

S’agissant de ses perspectives d’avenir, Majda avoue : « Je n’ai pas une image claire de l’avenir. Cependant, je sais pertinemment que je ne pourrai pas garantir un bel avenir à mes enfants. C’est pourquoi, je leur apprends toujours que l’éducation est très importante pour leur avenir et les encourage à bien étudier à l’école ».
 

Les incertitudes de Majda s’étendent également aux poursuites judiciaires contre l’agresseur. Elle affirme : « L’armée israélienne s’est attaquée à mon mari et mes enfants, des civils. Je ne pense pas qu’il y ait une suite positive. Et même s’il y en aura, ce sera une compensation financière qui ne ramènera pas mon mari à la vie ».
 

En date du 23 juin 2009, le PCHR a soumis une plainte pénale auprès des autorités israéliennes au nom de la famille al-Nadeem. A ce jour, aucune réponse n’a été reçue.

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Traduction : Info-Palestine.net - Niha


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