Effervescence diplomatique autour du conflit israélo-palestinien
mercredi 28 mars 2007 - 06h:35
Michel Bôle-Richard - Le Monde
Après l’échec de la réunion tripartite du 19 février avec Ehoud Olmert, le premier ministre israélien, et Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, Condoleezza Rice, la secrétaire d’Etat américaine, a décidé, dimanche 25 mars, de changer de tactique. Elle a adopté la technique des négociations parallèles. Ce qui signifie qu’elle va rencontrer tour à tour, séparément, ses deux interlocuteurs, à deux reprises chacun, pour tenter de faire avancer le processus de paix. Est-ce que cette nouvelle méthode de la navette diplomatique va produire plus de résultats que lors des précédentes visites ? C’est la troisième fois depuis le début de l’année que Mme Rice se rend au Proche-Orient pour tenter de débloquer la situation après six années de paralysie. Et cette fois encore, ce voyage ne se présente pas sous les meilleurs auspices.
- AP/BEN CURTIS
La secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice a commencé sa tournée proche-orientale par une étape égyptienne, où elle a rencontré, dimanche 25 mars à Assouan, le président Hosni Moubarak (Ph.AP/Ben Curtis)
Après ses entretiens avec le président égyptien Hosni Moubarak, dimanche à Assouan, Condoleezza Rice a lancé un appel aux pays arabes pour qu’ils s’engagent sur le chemin de la paix avec Israël. "Je voudrais espérer, a-t-elle déclaré, que chaque Etat cherche en profondeur à voir ce qu’il peut faire à ce moment crucial pour enfin mettre fin à ce conflit." Elle a ajouté : "Le peuple palestinien a attendu assez longtemps pour avoir son propre Etat et le peuple israélien a attendu assez longtemps pour avoir la sécurité qui émergera de l’établissement d’un voisin stable et démocratique auprès duquel il vivra en paix."
A l’issue de sa rencontre, dimanche, avec Mahmoud Abbas, Mme Rice a seulement parlé de l’établissement "d’un agenda commun pour avancer vers l’établissement d’un Etat palestinien", et s’est contentée de déclarer que "cela nous aiderait tous à savoir où nous allons". Pour le moment nulle part, si l’on en juge par les déclarations faites, peu auparavant, par Ehoud Olmert à l’encontre de Mahmoud Abbas.
"Le chef de l’Autorité palestinienne a violé de façon flagrante une série d’engagements vis-à-vis d’Israël, en particulier celui de ne pas former un gouvernement d’union nationale avant la libération de Gilad Shalit (caporal enlevé le 25 juin 2006), a déclaré dimanche le premier ministre israélien. La plate-forme de gouvernement d’union, la légitimité conférée à la résistance armée, la violation des engagements du président, tout ceci ne va pas rendre les contacts aisés à l’avenir", a ajouté M. Olmert, précisant qu’"il ne fait pas de doute qu’un changement complet d’attitude de la part de l’Autorité palestinienne est nécessaire afin de créer une atmosphère propice qui permettra de mener des négociations fructueuses".
Ces déclarations, juste avant l’arrivée de Mme Rice et celle de Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations unies, qui s’est entretenu dimanche soir avec Mme Rice et a rencontré lundi M. Olmert, ne sont pas fortuites. Pour le gouvernement israélien, il n’est pas question d’entamer un quelconque dialogue sur le processus de paix avec le président Abbas, accusé de "traîtrise" pour avoir accepté que son organisation, le Fatah, pactise avec le Mouvement de la résistance islamique (Hamas), au sein d’un exécutif commun. Depuis la mise en place d’un gouvernement de coalition le 14 mars, Ehoud Olmert avait averti que ses contacts avec Abou Mazen (nom de guerre de Mahmoud Abbas) se limiteraient aux questions de sécurité et à l’amélioration des conditions de vie des Palestiniens.
Dans ces conditions, le voyage de Mme Rice risque fort de se solder par un nouvel échec, d’autant que le gouvernement israélien s’est raidi face au délitement de la position des Européens sur l’attitude à avoir envers le nouveau cabinet palestinien. Même les Etats-Unis ont accepté de parler avec les ministres indépendants de l’exécutif palestinien.
Le secrétaire général de l’ONU a beau dire que "le président Mahmoud Abbas est prêt" à faire la paix et que la "réaliser demandera à l’ensemble des parties d’aller au-delà de ce qu’elles ont fait jusqu’ici", les perspectives sont pour le moment plutôt faibles. Ban Ki-moon ne rencontrera pas les ministres du Hamas mais il a trouvé sur son chemin le mur de séparation entre les territoires occupés et Israël. "Il est triste et tragique de voir tant de personnes souffrant de la construction de ces murailles", a-t-il déploré. M. Ban a affirmé qu’il continuerait d’oeuvrer pour la paix au Proche-Orient, tout en reconnaissant que "des progrès seront très difficiles car les obstacles sont énormes. Mais cela est possible et cela doit être fait."
Ce nouveau ballet diplomatique conjoint des Etats-Unis et de l’ONU sur la scène proche-orientale ne va guère permettre de faire progresser la solution du conflit mais il constitue un test d’évaluation avant le sommet de la Ligue arabe à Riyad, les 28 et 29 mars. Cette rencontre en Arabie saoudite a lieu après le rôle positif joué par la monarchie wahhabite dans l’accord de La Mecque du 8 février, qui a permis de sceller la coalition entre le Fatah et le Hamas. Elle intervient également alors qu’Israël souhaite ressusciter l’initiative du prince Abdallah, devenu roi, qui a permis d’élaborer une position commune du monde arabe vis-à-vis d’Israël en mars 2002 à Beyrouth. Cette initiative sans précédent offrait à l’Etat juif d’établir des relations diplomatiques avec ses voisins à condition de se retirer dans les frontières de 1967 et d’accepter "une solution juste et négociée" au douloureux et difficile problème du retour des réfugiés palestiniens.
Le premier ministre israélien de l’époque, Ariel Sharon, avait méprisé cette volonté de réconciliation. Cinq ans plus tard, Ehoud Olmert trouve "des éléments positifs" dans cette proposition, même s’il est totalement opposé au retour des réfugiés. Pour les pays arabes, il n’est pas question de modifier le texte qui avait reçu l’approbation de vingt-deux pays. Le prince Saoud Al-Fayçal, le ministre saoudien des affaires étrangères, a, le 13 mars, critiqué l’attitude d’Israël qui "pose toujours des conditions à tout sans rien accepter".
Le plan de paix arabe adopté à Riyad
L’initiative de paix arabe pour un règlement au Proche-Orient, vieille de cinq ans, a été adoptée "sans amendement" par les chefs des diplomaties arabes réunis lundi 26 mars à Riyad.
Les ministres arabes ont également décidé "la création de plusieurs groupes d’action pour entamer des contacts avec toutes les parties concernées par la paix", ce qui inclut Israël, selon le ministre des affaires étrangères jordanien Abdel Ilah Khatib. (Avec AFP)
Chronologie
17 septembre 2002 : la "feuille de route", un plan par étapes devant conduire d’ici à 2005 à la création d’un Etat palestinien, est adoptée par le Quartet réunissant les Etats-Unis, la Russie, l’Union européenne et les Nations unies.
3 juin 2003 : lors du sommet de Charm El-Cheikh, George Bush proclame que "le monde a besoin d’un Etat palestinien indépendant et pacifique".
Janvier 2006 : victoire du Hamas aux élections législatives palestiniennes. Le Quartet suspend son aide direct au gouvernement palestinien.
24 mars 2007 : arrivée de la secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice, pour une nouvelle tournée au Proche-Orient.
28 et 29 mars : sommet arabe de Riyad.
Michel Bôle-Richard, correspondant à Jérusalemen - Le Monde, le 26 mars 2007
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