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France : grandeur ou décadence ?

lundi 26 mars 2007 - 06h:17

Entretien avec Pascal Boniface

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Pascal Boniface

A l’heure où la grandeur de la République française est en question, et à quelques mois de la prochaine élection présidentielle, Pascal Boniface interpelle le citoyen français, dans son dernier ouvrage « Lettre ouverte à notre futur(e) Président (e) de la République, paru aux éditions Armand Colin (01/2007).

Tout un réquisitoire où il tente de sensibiliser les « aspirants » de la future gouvernance, à mieux comprendre la France pour mieux la positionner dans l’échiquier international. Car il est vrai que le blason s’est quelque peu terni, eu égard par rapport à sa politique européenne, mais également face aux nombreux couacs de sa politique intérieure.

Pour l’auteur, l’Intérieur est indissociable de la politique étrangère et c’est ce qui doit motiver le choix du citoyen français. Aujourd’hui, avec la « valse des présidentielles », certaines consciences bien avisées se préoccupent de savoir : Qui sera celui qui « appuiera » le bouton nucléaire ? Celui qui sera le commandant suprême des Armées ? celui qui décidera du destin d’une France, aujourd’hui en pleine déliquescence ?

Réalités a rencontré Pascal Boniface, le directeur de l’Iris pour discuter de sa « lettre ouverte » adressée au futur Président de la République Française..

La France est-elle en déclin ?

Je ne pense pas que la France soit en déclin. Le débat sur le déclin de la France est un débat extrêmement ancien que l’on peut faire remonter à la Guerre de 100 ans. Avouez que c’est un déclin de long terme. Tout dépend à quelle époque on situe le déclin, par rapport à Louis XIV, en revanche à Napoléon 1er ? Et encore, même dans ce cas, il faudrait être plus précis, Austerlitz ou Waterloo ? Les victoires initiales de Louis XIV ou l’état catastrophique dans lequel il a laissé le pays à sa mort ? Est-ce que la France est en déclin par rapport à Juin 40, Diem Bien Phu ou l’époque de la guerre d’Algérie ? Ce qui est vrai par contre, c’est que le monde a extrêmement évolué, s’est diversifié, que la puissance est diluée et qu’il faut réinventer les moyens d’agir.

La France avait pris des initiatives fortes au cours de la guerre d’Irak, depuis elle a sans doute trop mis la priorité sur la réconciliation avec les Etats-Unis, ce qui donne un aspect un peu en retrait à sa politique internationale. L’échec du référendum sur le Traité constitutionnel européen pèse également. Les fins de mandats sont toujours plus difficiles car tout le monde est un peu dans l’expectative, dans l’attente. Il peut donc y avoir un nouveau départ en 2007. Quel que soit le (ou la) nouveau président. Mais celui-ci ne sera pas automatique et des choix devront être faits. Par ce livre je voudrais apporter ma contribution à ce débat.

Que voyez-vous se profiler, face à ces nouvelles élections, s’agissant de la politique arabe de France ?

Qu’appelle t-on tout d’abord politique arabe de la France ? On sait qu’elle a beaucoup d’adversaires, et certains la présentent comme étant une politique dictée par des intérêts commerciaux, la France apportant un soutien politique aux pays arabes en échange de contrats. Rien n’est plus faux. Lorsque le Général de Gaulle établit les bases de ce qu’on appelle la politique arabe de la France, c’est en 1967, les pétrodollars n’existent pas et il prend simplement des positions de principe, comme par exemple vis-à-vis du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Il met en garde Israël sur les dangers de l’occupation militaire.

Je préfère parler de politique à l’égard des pays arabes que de « politique arabe ». Cette politique a fait que, très souvent, la France a été le porte-parole de la cause palestinienne tout en étant ferme sur la sécurité d’Israël. Certains estiment qu’il faudrait que la France renonce à défendre le droit des Palestiniens à avoir un Etat viable, afin de dédramatiser les relations avec Israël ou même les Etats-Unis. Je pense que cela ne serait ni digne, ni judicieux. Cela va-t-il continuer ? Nicolas Sarkozy se présente comme l’ami d’Israël et pour le moment, Ségolène Royal a envoyé des signaux contradictoires sur le sujet. La campagne devrait peut-être permettre d’éclaircir ce point.

Les Français se disent anti-américains mais les sondages affichent qu’ils sont pro Sarkozy (qui est pro américain), qu’en pensez vous ? Sont-ils vraiment intéressés par la conjoncture internationale, comme vous le prétendez ?

Les Français ne sont pas anti-américains. Ils aiment les Etats-Unis et le peuple américain. Mais ils sont, comme la plupart des peuples du monde, opposés à la politique étrangère de George W. Bush. Je constate d’ailleurs que les citoyens américains eux-mêmes en viennent aujourd’hui à une conclusion comparable et sont très critiques vis-à-vis de la politique étrangère de Bush. Je me méfie par ailleurs des accusations d’anti-américanisme souvent utilisées de façon abusive pour désigner ceux qui ne font que critiquer la politique extérieure américaine.

C’est le même phénomène que pour les accusations d’antisémitisme portées contre ceux qui critiquent certains aspects de la politique du gouvernement israélien. Pour revenir à votre question,Nicolas Sarkozy s’est effectivement affiché comme très proche des Etats-Unis et même de George W. Bush, or tous les sondages montrent que les Français préfèrent une politique distanciée de celle que les Etats-Unis mènent actuellement. C’est pour cela que lors de son discours d’investiture du dimanche 14 janvier, Nicolas Sarkozy a tenu à se démarquer de cette attitude trop pro-américaine.

L’Europe et le monde pensent que la France est un pays nombrilique, se préoccupant uniquement de sa politique intérieure, et pourtant on clame haut et fort, un regain d’intérêt pour l’international, n’est-ce pas un paradoxe ?

Le reproche que l’on peut faire à la France n’est pas tant le nombrilisme, elle a toujours regardé au loin et eu une action internationale importante, mais plutôt son arrogance et le fait de faire elle-même ce qu’elle reproche parfois aux Américains ; ne pas tenir compte tout à fait de l’avis des autres. Par exemple, parler de l’Europe et agir de façon purement nationale. Je crois qu’une nouvelle génération de dirigeants a compris les défauts et les pièges que représente cette arrogance dans un monde globalisé. L’image est un vecteur majeur de puissance, la France ne pourra pas réussir en étant arrogante.

Vous dites que la France ne fait plus le poids dans la guerre idéologique mondiale actuelle, expliquez nous...

Le grand paradoxe est que nous vivons dans un monde où le soft power, l’image, le débat d’idées, est devenu un enjeu idéologique majeur. La France veut jouer un rôle important dans le monde mais elle ne s’en donne pas les moyens. Nos fondations politiques sont très chichement dotées par rapport à leurs cons ?urs allemandes. Les think-tanks sont fluets par rapport à l’immense force de frappe des Etats-Unis.

Nous n’utilisons pas suffisamment la diplomatie parlementaire ou la coopération décentralisée. Il y a encore trop la marque d’un pouvoir régalien. Nous devons nous organiser pour mieux développer nos idées, si nous voulons continuer à jouer un rôle.

*Propos receuillis par Fériel Berraies Guigny

15 février 2007 - Réalités Online - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.realites.com.tn/index1.p...


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