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Le nouvel esclavage : les employées de maison au Liban

dimanche 11 décembre 2011 - 05h:56

Simba Shani Kamaria Russeau
IMW

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Les employés de maison, en majorité des femmes, constituent une part importante de la population des travailleurs migrants d’aujourd’hui. L’Organisation internationale du Travail (OIT) estime qu’environ 19 % de la population du Liban sont des employés de maison.

Ces travailleurs envoient de l’argent chez eux et contribuent de façon importante aux revenus nationaux de nombreux pays exportateurs de main-d’ ?uvre d’Afrique, d’Asie du Sud et du Sud-Est. Les migrantes, en tant que femmes, sont doublement vulnérables en raison de leur sexe et de leur statut migratoire. Sur Free Speech Radio News, Simba Russeau nous parle des conditions des femmes migrantes en tant qu’employées de maison au Liban.


Le commerce des esclaves au Liban

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Bonne à vendre. Matériel de promotion pour une agence de bonnes au Liban.

Des cris perçants remplissent l’air aux premières heures de ce dimanche. C’est Angélique qui appelle la police en se précipitant sur le balcon, implorant de l’aide. Les habitants des immeubles voisins sortent de chez eux, attirés par ce bruit qui rompt le silence du matin.
On entend une voix d’homme au fond qui crie le nom d’Angélique et jure en arabe et en français. Vingt minutes plus tard, le vieil homme qui, dans la journée, a l’habitude de se faire des pause-cigarettes, assis à ce même balcon, referme toutes les ouvertures de la maison.

On distingue encore les cris d’Angélique de l’intérieur de la maison, de même que le bruit des poings et des mains ouvertes qui frappent sa chair. Quelques minutes plus tard, c’est le silence.

« J’ai encore six mois à faire et après, je retourne au Congo » dit Angélique. « Vous voyez, madame, elle a coupé tous mes cheveux. Tous les jours, je nettoie et je cuisine. Je dors sur le plancher dans la cuisine, je n’en peux plus de cette vie ».

A cause du conflit que connaît son pays, Angélique, 26 ans, est venue de République démocratique du Congo jusqu’au Liban pour devenir employée de maison, avec un contrat de six ans. Elle est obligée de rester à l’appartement de ses employeurs, réveillée tous les jours à 5 h 30 et soumise à dix-huit heures d’un travail exténuant, sans pause.

« Même les chiens sont autorisés à sortir, mais nous, nous sommes bloquées » dit-elle à travers le balcon. « Nous sommes comme des esclaves ici ».

La détresse des employées de maison au Liban a été mise en évidence particulièrement pendant l’été 2006, quand Israël a lancé son offensive militaire de trente-quatre jours contre le Liban.

En arabe, le terme « Abd » désigne une personne « noire », ou un « esclave », et le mot évoque parfois les Africains ou les Sri-Lankais. Au Liban, les migrants non arabes, d’Afrique ou d’Asie, sont physiquement considérés comme des inférieurs, en raison de leur position de serviteur.

Ces travailleurs restent exclus de l’article 6 du code du travail libanais et sont souvent victimes d’abus, tant pas les employeurs que par les agences.

Assurer leur propre assistance

L’absence de protection pour les travailleurs migrants - par leurs gouvernements et par les pays d’accueil - a incité les employées de maisons indépendants au Liban à se donner un certain nombre de réseaux informels et à improviser des espaces communautaires pour celles qui cherchent refuge après avoir fui le domicile de leur employeur.

« Les agences de recrutements de nos pays d’origine trompent les futures employées de maison en leur disant qu’elles auront un travail formidable, avec un gros salaire et qu’elles pourront mettre de l’argent de côté et l’envoyer à leurs familles » dit Aimée, une employée de maison indépendante qui vient de Madagascar.

« Mais une fois arrivées, c’est la grosse surprise, elles réalisent que tout cela n’était que mensonge ».

Originaire de Madagascar, Aimée est employée de maison au Liban depuis onze ans. Comme toutes les autres femmes migrantes, elle est venue au Liban et travaille avec un contrat de trois ans. Elle dit que pour elle, c’est une chance qu’à la fin de son contrait elle ait pu devenir employée de maison indépendante.

A ce moment-là, elle aurait pu signer un nouveau contrat avec une agence, mais elle a préféré travailler comme indépendante. Elle a trouvé quelqu’un au Liban qui acceptait de se porter garant de ses titres de travail.

Cependant, explique-t-elle, travailler comme indépendante a ses inconvénients. Travailler en indépendante implique de traiter avec des Libanais qui, s’appuyant sur le fait qu’ils se portent garants, peuvent tenter d’abuser les travailleurs et de leur prendre une grande partie de leur salaire.

Aimée était engagée dans le travail social à Madagascar, aussi elle n’a pas été prise au dépourvu au Liban quand des femmes de Madagascar, d’Afrique, des Philippines et du Sri Lanka ont commencé à rechercher son aide.

«  Parfois, je me demande comment j’ai réussi à me mettre dans cette position de travailleuse sociale, mais je vois mon peuple dans une telle détresse » souligne Aimée.

« L’employeur a tous les droits, et c’est comme cela que les femmes deviennent affligées, déséquilibrées et déprimées - conduites au suicide. Voilà comment je trouve la force de continuer ».

Traiter les maladies

A Azuniyeh, il y a un hôpital pour les migrantes pour lesquelles on a diagnostiqué la tuberculose. La plupart de ces femmes ont été mises là par leur employeur qui s’en est débarrassé, sans même les payer. Ces employeurs ont remis les passeports des femmes aux agences par lesquelles elles avaient été embauchées. Ces agences, en retour, utilisent ces passeports pour lier ces femmes par contrats à d’autres garants libanais éventuels.

Une femme, qui a choisi de rester anonyme, toute frêle, respire avec difficulté et est trop faible même pour se sortir du lit. Elle dit que lorsque son ancien employeur a appris qu’elle était malade, il l’a ramenée à l’agence, qui l’a conduite à l’hôpital.

« Mon employeur a donné mon passeport à l’agence et maintenant ils me donnent deux semaines pour me remettre de la tuberculose parce que, disent-ils, je vais devoir me présenter à mon nouvel employeur » dit-elle. « Pour être sûre que mon nouvel employeur ne saura rien de ma maladie, l’agence m’a dit que je ne pourrai pas continuer à prendre mes médicaments dès que le nouvel emploi aura débuté. »

9 décembre 2011 - International Museum of Women - traduction : jpp


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