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La montée d’un mouvement polonais solidaire de la cause palestinienne lui vaut l’étiquette d’antisémite

dimanche 4 décembre 2011 - 08h:00

Ewa Jasiewicz - E.I

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Prétextant la participation de la Campagne de Solidarité Polonaise avec la Palestine dans la Coalition du 11 novembre, la ZOOM (Organisation Polonaise Nationale de la Jeunesse Juive) s’est retirée, tout à fait au début du mois en cours, d’une alliance de groupes antifascistes.

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La solidarité avec la Palestine s’inscrit dans le cadre d’une lutte à plus grand échelle - Photo : scottmontreal/Flickr

En fait, la Coalition Polonaise du 11 novembre a été créée l’an dernier pour s’opposer à une marche à destination de Varsovie, organisée par l’extrême droite. Ainsi, des groupes à l’instar de Camp of Great Poland et All-Poland Youth ayant exprimé des sentiments antisémites et affiché des opinions homophobes ont été associés au mouvement néo-nazi.

Varsovie commémore le 11 novembre de chaque année la date anniversaire de l’indépendance de la Pologne. En 1918, ce pays avait mis fin à 123 ans de division et d’occupation par la Russie, la Prusse et l’Autriche. Dans ce contexte, l’extrême droite polonaise a élaboré le concept de « La Pologne pour les Polonais seulement », une sorte d’agenda politique qui exclut tous les autres groupes ethniques et culturels dans le pays.
Pour sa part, la coalition comprend plus de cinquante organisations antifascistes et antiracistes, des syndicats, des collectifs anarchistes et des groupes qui militent pour les droits des gays, lesbiennes et transsexuels.

La solidarité avec la Palestine qualifiée d’ « antisémite »

La ZOOM a trouvé le prétexte d’antisémitisme pour justifier son retrait de la coalition. Cette étiquette a donc été collée à la Kampania Palestyna qui est un réseau de militants Polonais et Palestino-Polonais très compétents dans le domaine de la solidarité avec la Palestine. Toutefois, la déclaration de démission vient d’être retirée de son site web et des différents forums de la toile, certainement pour éviter des poursuites judiciaires vu les lois strictes sur la diffamation qui régissent en Pologne.

Mais d’autre part, il faudrait préciser que ZOOM n’est pas la première organisation juive à se retirer de la coalition en évoquant la même raison, à savoir la présence du groupe Palestinien des droits de l’homme.

Et ce fut au mois de janvier de l’année dernière que l’association de la jeunesse Juive, Czulent, s’était retirée de la coalition qui aurait dû adopter, selon l’association, un caractère « apolitique ». Sur son site web, Czulent déclare : « Nous ne pouvons pas rester passifs devant des intentions antisémites cachées sous la bannière de l’antisionisme » (Retrait de la Coalition du 11 novembre, le 22 janvier 2010 [Polonais]).

Pour appuyer sa décision, Czulent a évoqué le travail de Kampania Palestyna visant à organiser des réunions pour Ben White, collaborateur avec The Electronic Intifada et auteur du livre Israeli Apartheid : A Beginner’s Guide [L’apartheid israélien : guide pour les débutants], et l’accuse de promouvoir un « discours de haine » et une « négation de l’holocauste ».

Les réactions dans ce sens ne s’arrêtent pas là et c’est le tour des universitaires et des écrivains qui contribuent au Forum des Juifs Polonais [Polish Jews Forum], un site web créé en 2004 par des « individus qui n’adhèrent à aucune organisation politique », vivant en Pologne, aux Etats-Unis et en Israël.

Les responsables du forum ont alors publié une déclaration en date du 8 novembre 2011 où ils affirment : « C’est avec la plus grande satisfaction que nous apprenons que les organisations juives qui, l’an dernier soutenaient ou appartenaient à la Coalition du 11 novembre, n’y prendront pas part cette année à cause de la présence d’organisations gauchistes et anti-Israël. Constater que la communauté juive refuse de faire partie d’une coalition qui contient une organisation de soutien pour le terrorisme arabe est un acte très satisfaisant » (Polish Independence Day - Beware ?, Forum polonais, le 10 novembre 2011). Ainsi, il en découle que la solidarité qu’affiche la Kampania Palestyna envers le droit à la résistance des palestiniens équivaut à un soutien pour le terrorisme.

Confusion entre extrême gauche et extrême droite

Dans leur déclaration, les rédacteurs du forum parlent de leur opposition aux fascistes et aux membres de la gauche descendus dans les rues, le 11 novembre.

A ce titre, ils affirment : « Nous nous opposons à l’un comme à l’autre. Nous ne sommes pas d’accord avec leurs opinions racistes, anticapitalistes, anarchistes et nationalistes représentées à travers les différentes formes de xénophobie : néo communisme, néofascisme, la gauche et aussi l’antisémitisme et l’anti-Israël ».

Il convient aussi de relever que le forum a, à travers ses efforts à présenter tous les « ISM » (Mouvements Internationaux de Solidarité) comme des extrémistes et à confondre anarchistes et gauchistes avec les néo-nazis, tenté de dépolitiser la coalition et à nier la démarche visant à comprendre et à analyser les conditions qui produisent le racisme et le fascisme.

Et c’est derrière la négation de la nature politique du racisme et du fascisme, ainsi que la nécessité d’une analyse approfondie devant révéler les intérêts politiques et les processus qui font valoir le racisme, que les organisations puissantes, les institutions, les états, les lobbyistes et les groupes peuvent se dissimuler. Par conséquent, la voie s’ouvre devant l’oppression qui reste impunie.

Pour sa part, la Kampania Palestyna a gagné une certaine notoriété depuis sa création à la mi-2009, soit quelque temps après l’Opération Plomb Durci, l’attaque générale lancée par Israël sur la Bande de Gaza durant l’hiver 2008-2009. Depuis, l’association multiplie ses ?uvres en organisant des manifestations, des actions directes et des rencontres publiques avec des Palestiniens, des Israéliens et des militants internationaux, notamment Sahar Francis du groupe Addameer (Groupe de soutien aux prisonniers politiques palestiniens), Jeff Halper du Comité Israélien contre la Démolition des Maisons et Yonatan Shapira de Boycott from Within (Boycotter de l’intérieur)

Avoir une influence sur les médias qui évoquent la Palestine

En dépit de la diffamation et des attaques lancées contre la campagne, cette dernière poursuit ses actions et parvient même à avoir une influence sur les couvertures médiatiques et l’éducation populaire sur la Palestine.

L’écho des ?uvres de la Kampania Palestyna est même parvenu à des journalistes polonais de renom, comme Roman Kurkiewicz, journaliste et écrivain ayant participé à la Flottille de la Liberté II en partance pour Gaza.

Au sujet de son implication, Kurkiewicz avait expliqué sur les colonnes du magazine General Weekly les raisons qui l’ont poussé à s’engager pour la Palestine. Il évoque ainsi sa rencontre avec l’objecteur de conscience israélien et militant de la BDS Yonatan Shapira et avec d’autres militants de la Kampania Palestyna. Il avoue que cette situation lui a permis de voir les choses sous un autre angle, lui qui avait pendant des années pensé qu’Israël était une démocratie au milieu des antidémocrates.

Mais l’atout majeur de la Kampania reste vraisemblablement le rédacteur de l’édition polonaise de Le Monde Diplomatique. A travers les pages de ce mensuel qui publie, chaque mois, des articles sur la Palestine, Przemyslaw Wielgosz avait à maintes reprises parlé pour la campagne, que ce soit devant les caméras, dans les théâtres, les universités et même des centres sociaux dans toute la Pologne.

Par ailleurs, la Kampania a également entrepris des activités culturelles par l’organisation, avec Kino Palestyna (Cinéma Palestine), de festivals du film Palestinien dans tout le pays et en traduisant le film documentaire réalisé par Alberto Arce et Mohamed Rujailah To Shoot an Elephant. Pour rappel, ce documentaire primé retrace les attaques israéliennes sur la Bande de Gaza durant l’hiver 2008-2009 et a été projeté dans plus de vingt endroits à travers la Pologne.

Changer le discours

Il faut dire que la campagne a réussi à diriger le discours politique resté longtemps dominé par les porte-paroles de l’ambassade israélienne et les journalistes pro-Israël. Ainsi, les militants de la campagne sont souvent invités par la presse écrite et les médias à livrer leurs commentaires et analyses. Auparavant, ce sont les responsables israéliens et les reporters pro-Israël qui jouissaient du monopole sur les reportages et récits des médias. En fait, ils profitaient de l’absence dans le pays d’une campagne de solidarité avec la Palestine, de la faible connaissance des droits de l’homme et du journalisme d’investigation.

Et tout ceci a une explication. Si l’on analyse par exemple les communiqués de presse du gouvernement israélien que les médias donnent pour vrai en les reprenant, on parvient à comprendre la culpabilité historique nourrie par les gouvernements polonais qui se sont succédé envers la complicité des politiques antisémites polonaises et leurs pratiques au cours du siècle précédent. Ceci comprend la période d’avant la Seconde Guerre Mondiale et même en 1968 lorsque le parti communiste qui était au pouvoir avait, sous la bannière de « l’antisionisme » et de l’antisémitisme, animé une campagne ciblant les plus importants parmi les étudiants juifs opposants et les membres du parti, en les éliminant et en forçant des milliers d’entre eux à l’exile.

Ensuite, après la chute du Rideau de Fer et la mise en place du système capitaliste dans le pays, les politiques du gouvernement ont emboité le pas à l’influence américaine, notamment l’allégeance aveugle vis-à-vis d’Israël et une politique extérieure qui veille sur les intérêts d’Israël.

Les militants du groupe appartiennent aux mouvements de la justice sociale, de l’activisme environnemental, de l’antifascisme, des syndicats, des milieux communautaires et ont même passé quelque temps au c ?ur de la Palestine occupée.

S’inspirant de l’appel de 2005 lancé par les associations palestiniennes pour une campagne globale de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS), la Kampania Palestyna se situe également au c ?ur d’un combat encore plus étendu pour le changement systématique et pour une véritable démocratie participative et une justice sociale, environnementale et économique.

Ainsi, il apparait évident que la Kampania a joué un rôle moteur au sein de la coalition antifasciste du 11 novembre, en reliant les motivations, les structures et les processus qui reproduisent l’occupation, la colonisation et le racisme à l’intérieur du pays et à travers les quatre coins du monde. Avec un pareil engagement, les actions de la campagne doivent être saluées et encouragées, non pas salies et dénigrées.

* Ewa Jasieiwcz est militante, écrivain et membre de la Kampania Palestyna

16 novembre 2011 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/conte...
Traduction : Niha


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