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Les temps changent

samedi 24 mars 2007 - 07h:12

Patrick Seale - Jeune Afrique

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Plusieurs signes donnent à penser que la diplomatie et le dialogue pourraient reprendre leurs droits, notamment entre Israéliens et Palestiniens.

Les sommets de la Ligue arabe sont souvent tenus pour négligeables, car il n’en sort généralement rien. Celui qui doit se tenir à Riyad les 28 et 29 mars prendra sans doute une importance particulière, car il devrait relancer l’Initiative de paix arabe présentée par le roi Abdallah Ibn Abdelaziz d’Arabie saoudite lorsqu’il était prince héritier et adoptée par le monde arabe au Sommet de Beyrouth de mars 2002.

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Le Roi Abdallah d’Arabie saoudite

Il proposait à Israël la paix et des relations normales avec les vingt-deux pays arabes si l’État hébreu se retirait des territoires occupés depuis la guerre des Six-Jours de 1967, acceptait la création d’un État palestinien en Cisjordanie et à Gaza avec sa capitale à Jérusalem-Est et prévoyait un règlement équitable du problème des réfugiés palestiniens sur la base de la résolution 194 de l’ONU : le choix entre le retour au pays et une indemnisation.

Israël avait aussitôt dit non, mais les temps ont changé. En Israël même, des voix s’élèvent, dont celle de la ministre des Affaires étrangères Tzipi Livni, pour reconnaître qu’il y avait matière à discussion.

Les graves difficultés de l’Amérique en Irak, sa prise de contact avec l’Iran et la Syrie à Bagdad, l’incapacité où a été Israël de se débarrasser du Hezbollah au Liban l’été dernier ou d’éliminer le Hamas par des frappes militaires et un boycottage financier, l’intérêt qu’accordent à nouveau les États-Unis au processus de paix israélo-palestinien, la tournée au Moyen-Orient du haut représentant de l’Union européenne Javier Solana, la fin de l’isolement syrien - tous ces éléments ont amené certains Israéliens à penser que le moment était peut-être venu de serrer la main que leur tendent les Arabes.

L’une des données qui pèsent sur l’opinion israélienne est le total discrédit dans lequel sont tombés le Premier ministre Ehoud Olmert et son infortuné ministre de la Défense, l’ex-dirigeant syndicaliste Amir Peretz. La confiance qu’on leur accorde dans les sondages est proche de zéro. Ils pourraient très bien être congédiés le mois prochain lorsque le juge à la retraite Eliyahou Winograd publiera son rapport sur les événements qui ont conduit aux trente-quatre jours de guerre au Liban. De toute façon, Olmert devrait être cité à comparaître à propos d’une série d’affaires de corruption.

Sa disparition de la scène politique pourrait offrir à Tzipi Livni la possibilité de guigner la tête du parti Kadima. Dans le camp travailliste, la chute de Peretz peut donner à l’ex-Premier ministre Ehoud Barak une chance de faire son retour. Livni comme Barak semblent avoir compris que l’environnement stratégique d’Israël n’est plus ce qu’il était, et que le moment est peut-être venu de négocier une paix globale ave les Arabes. Barak se propose de contester à Peretz la direction du Parti travailliste aux primaires de mai. Il tient absolument à se rattraper des erreurs qu’il a commises en tant que Premier ministre (en 1999-2000), quand il n’a pas su profiter de l’occasion de faire la paix avec les Palestiniens et avec la Syrie. Livni, de son côté, n’a pas écarté l’éventualité d’une paix dans le discours qu’elle a prononcé le 12 mars à la conférence annuelle de l’American Israel Public Affairs Committee (Aipac), le puissant lobby pro-israélien aux États-Unis. Elle a même indiqué les conditions auxquelles elle était prête à négocier avec les « modérés » arabes : ils doivent lutter contre le terrorisme ; relâcher le soldat israélien Gilad Shalit enlevé à Gaza ; mettre fin aux attentats contre les civils israéliens ; interdire la contrebande d’armes via la frontière entre l’Égypte et Gaza, et préparer « le peuple palestinien aux compromis et à la réconciliation historique que tout traité de paix exigera des deux parties ».

Ce sont des propos très différents de ceux que tiennent les faucons israéliens tels que Benyamin « Bibi » Netanyahou, qui rêve lui aussi de faire un come-back à la tête d’un Likoud revigoré si Kadima vole en éclats. Les exhortations fracassantes de Netanyahou pour demander à la communauté internationale d’empêcher les mollahs iraniens de se procurer la bombe nucléaire semblent aujourd’hui les échos d’un autre temps. L’Aipac lui-même ne milite plus pour que l’on fasse la guerre à l’Iran et préfère peser de tout son poids en faveur d’un boycottage financier qui ruinerait l’économie iranienne. Presque imperceptiblement, il semble que l’administration Bush corrige le tir au Moyen-Orient. La diplomatie revient à la mode après l’unilatéralisme de ces dernières années, l’usage « préemptif » de la force militaire, les déclarations sur le changement de régime et le mépris pour les organisations internationales. La secrétaire d’État Condoleezza Rice retourne au Moyen-Orient le 24 mars pour un autre entretien avec Ehoud Olmert et Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne. Elle doit aussi rencontrer des représentants de l’Arabie saoudite, de l’Égypte, de la Jordanie et des Émirats arabes unis, ainsi que le Quartet international (États-Unis, Russie, Union européenne et ONU). Ses précédents voyages dans la région n’ont pas donné grand-chose, mais elle mérite un bon point pour sa persévérance.

Elle pourrait également faire un saut à Istanbul pour s’informer sur le suivi de la conférence de Bagdad du 10 mars, au cours de laquelle les représentants de dix-sept pays et organisations ont réfléchi aux possibilités de stabilisation de l’Irak. Ce sera aussi l’occasion d’entretiens bilatéraux avec l’Iran et la Syrie. En coulisse, les grands États européens pressent les États-Unis de lever le boycottage du gouvernement d’union nationale palestinien formé le 14 mars, malgré la participation du Hamas (11 ministres sur 25). Condoleezza Rice fera-elle preuve d’indépendance, ou continuera-t-elle à tenir le gouvernement palestinien à l’écart, comme le souhaite Israël ?

La bataille de la paix n’est pas gagnée. Dans l’administration américaine, des faucons pro-israéliens occupent toujours des postes clés : ainsi Elliott Abrams, au Conseil de sécurité nationale, et Stuart Levey, sous-secrétaire au Trésor, qui a orchestré la campagne internationale pour le boycottage du système bancaire et commercial de l’Iran. Contre toute attente, Condoleezza Rice a nommé Eliot Cohen, un néoconservateur champion de la guerre en Irak, comme conseiller du département d’État, à partir du mois prochain. Ce qui semblerait aller contre la tendance actuelle en faveur de la diplomatie et du règlement des conflits. Certains expliquent à Washington que pour convaincre les Israéliens de négocier avec les Palestiniens, Rice a besoin d’avoir à ses côtés un « néocon » qui la protège des attaques des faucons de l’administration et d’ailleurs.

Patrick Seale - Jeune Afrique, le 18 mars 2007

Par le même auteur :
- Les malheurs de Condoleeza Rice


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