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Les familles palestiniennes attendent l’échange des prisonniers

vendredi 21 octobre 2011 - 19h:40

S. Yoon & M. Alsaafin

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Les proches des détenus libérés racontent qu’ils n’ont pas encore reçu les notifications de la part des autorités palestiniennes - Photo : Gallo/Getty

La semaine écoulée, le Hamas et Israël ont conclu un accord prévoyant la libération de mille vingt-sept (1027) palestiniens contre...un israélien.

Baptisé « L’accord d’échange Shalit », du même nom de Gilad Shalit, le soldat israélien de 25 ans détenu depuis plus de cinq ans dans la Bande de Gaza, l’arrangement spécifie la libération en deux phases des prisonniers palestiniens.

La première étape de cet accord « historique » commence mardi lorsque le sergent chef Shalit rentrera chez lui, à Mitzpe Hila à l’ouest de la Galilée, pour retrouver ses parents Noam et Aviva, ainsi que ses jeunes frère et s ?ur.

Mais la question qui se pose maintenant concerne ces prisonniers palestiniens : où et chez qui ira ce groupe de 477 ? Qui sont ces centaines de Noam et de Aviva qui retrouveront les siens en échange de Gilad ?

Pour répondre à cette question, Al Jazeera a interrogé cinq familles palestiniennes dans le but de partager leurs histoires composées de douleur, d’espoir et d’attente.

La mère de Mohamed Halabia

Mohamed Halabia, 17 ans, étudiant à Abu dis, Jérusalem-Est
Date d’arrestation : 2009
Durée de la peine : 1 an et demi
Chef d’accusation : Lancement de cocktail Molotov

La maman raconte : « Quand il a été arrêté, Mohamed était en Première. Il se concentrait pleinement sur ses études et était un grand bucheur. Après l’école, il rentre juste pour manger, se changer et partir pour le garage où il travaille. Durant les week-ends, il lui arrivait de travailler 12 heures par jour pour nous aider. »

« Le jour de son arrestation, Mohamed était accompagné d’un groupe d’amis partis manger après le travail. Ils ont été interceptés par une patrouille israélienne qui les a conduit à une base militaire. Ils ont été maltraités. Au cours de son arrestation, on a cassé la jambe de mon fils et ce qui lui a valu l’utilisation des béquilles pendant trois mois. »

« Il fallait le voir le jour de son procès, il état dans un état critique. Non seulement sa jambe gauche était fracturée, mais il avait également reçu des coups sur l’autre jambe. »

« Les charges qui pèsent sur lui étaient inventées de tout pièce. Il a été reconnu coupable pour avoir lancé des cocktails Molotov. Deux mois plus tard, son cousin Mojahed a été arrêté pour la même raison. »

« Dans vingt jours, Mohamed fêtera ses 18 ans mais ni son nom, ni celui de Mojahed ne figurent sur la liste des prisonniers à libérer. Il est vrai que le Hamas a déclaré que tous les enfants seront relâchés, mais bon, on verra bien. »

« Je ne peux pas attendre pour voir mon fils enfin libre, mais je dois avouer que s’il n’est pas relâché lors de cet accord, je dois accepter et me dire que c’est son destin. Ça doit être très pénible d’être emprisonné pendant deux ans. Mais il ne faut pas oublier qu’il existe des prisonniers enfermés durant des décennies, comme le cas de notre voisin, emprisonné pendant 26 ans. »

Et pour finir : « Etre loin de mon fils est la plus dure des sensations, je ne peux décrire la douleur que me cause cet éloignement. Ceci étant, si Mohamed doit purger une peine de trois ans pour garantir la libération de ceux ayant purgé une peine de 20 ans ou plus, eh bien qu’il en soit ainsi. »

La mère de Duaa Jayyousi

Duaa Jayyousi, 32 ans, étudiante de Tulkarem, Cisjordanie occupée
Date d’arrestation : 2002
Durée de la peine : 10 ans
Chef d’accusation : Acheminement de l’agresseur à Netanya

Elle raconte : « Les israéliens ont accusé Duaa d’avoir transporté un agresseur à Netanya, une ville industrielle située sur la côte. »

« Après son arrestation, et pendant toute une année, les soldats israéliens avaient refusé de nous dire où elle était. Mais depuis, nous avons pu la visiter partout où elle était. »

« Voir un proche dans les prisons israéliennes relève du parcours du combattant. Le processus commence avec l’obtention des permis de visite qui nous prend en général cinq ou six mois pour être délivré. Une fois le papier obtenu, nous avons à maintes reprises été éconduits de la prison, et donc, il fallait tout recommencer. »

« Je n’ai que deux enfants, Duaa et son frère qui a malheureusement été grièvement blessé par les israéliens. Vous pouvez donc imaginer ce que cela fait de savoir qu’elle pourrait bientôt être parmi nous. »

« C’est dans la nuit que j’ai entendu que les deux parties avaient convenu d’un accord, mais je suis restée quelque peu sceptique au vu des anciens accords qui à chaque fois étaient pratiquement achevés, mais en vain. Mais cette fois, quand ils ont confirmé l’accord d’échange de prisonniers, je suis tombée par terre et j’ai éclaté en sanglots. J’étais folle de joie à l’idée de revoir Duaa. »

« Il est temps que cette souffrance nous oublie. Je ne souhaite qu’une chose, que ma fille vive et puisse enfin terminer ses études et le semestre qui lui restait à l’Université An-Najah au moment de son arrestation. »

Interrogée sur le moment des retrouvailles, elle répond : « J’ignore quelle sera ma réaction en la voyant. Je pourrai tomber. Nous avons organisé une petite fête pour l’accueillir, mais je ne sais pas dans quel état je serai. C’est dur d’être en prison. J’ai été privée de toucher ma fille pendant dix ans. »
« Vous savez, même lorsqu’on la visite, ils mettent des barrières entre nous et nous ne pouvons parler qu’à travers le téléphone. Les pauvres prisonniers reçoivent les traitements les plus cruels dans les tôles. »

Elle conclut : « Je remercie Dieu d’avoir fait que les personnes ayant conclu cet accord insistent sur la libération des femmes, et je souhaite vivement que tous nos prisonniers soient libérés un jour. »

Le fils de Ahmad Abu Suoud Hanai

Ahmad Abu Suoud Hanani, 55 ans, constructeur à Naplouse, Cisjordanie occupée.
Date d’arrestation : 1987
Durée de la peine : 24 ans
Chef d’accusation : Assassinat du commandant de l’armée israélienne de Naplouse

« Mon père avait 5 enfants et a été arrêté le 23 mai 1987 pour l’assassinat du commandant de l’armée israélienne de Naplouse. Lors de son arrestation, sa fille ainée Sawsan était âgée de 12 ans et le benjamin n’avait que deux semaines. »

« Aujourd’hui, Sawsan est devenue maman et sa fille termine cette année ses études secondaires. Elle est née quand il était en prison, mais son rêve a toujours été de l’accompagner un jour à l’école. »

« Mon père était un pauvre constructeur. Il a toujours éprouvé une difficulté à concilier entre la pauvreté et la possibilité de poursuivre ses études. Même en prison, il nous a toujours inculqué l’importance de l’éducation. Nous sommes tous des licenciés et mon frère est en train de faire son doctorat au Royaume-Uni. »

« J’ai moi-même été emprisonné pendant une période et j’ai pu passer quelque temps avec mon père. On a partagé la même cellule et il m’a toujours raconté qu’il attendait avec impatience son retour à la maison, à sa famille, à sa terre. »

Il explique : « Je n’ai pas vu mon père depuis un moment. En fait, en raison de mes emprisonnements antérieurs, je suis autorisé à le visiter une seule fois seulement, et encore, sans pouvoir le toucher ni m’approcher de lui. Ma s ?ur ainée avait l’habitude de lui rendre visite, mais cette année, et sans motif apparent, les israéliens ont d’un coup cessé de lui délivrer les permis. »

« Nous avons été informés qu’il avait entamé une grève de la faim dans la prison d’Eshel et que les israéliens l’ont mis en isolement, et nous ignorons ce qui s’est passé depuis. »
Concernant cet évènement, il raconte : « Quand la nouvelle de l’échange est tombée, nous étions transportés de joie.

Honnêtement, je ne saurai vous décrire ce sentiment qui vous traverse quand on vous annonce que ce que vous avez attendu pendant 25 ans est presque à portée de main. Malheureusement, nous avons tous été choqués lorsqu’on a su que le nom de mon père figurait parmi ceux devant être déportés. »

Il explique : « Mon père a presque 60 ans, donc très vieux pour représenter un risque militaire. A cet âge, tout ce qu’il peut faire est retourner et rester à la maison. Toutefois, après toutes ces années, il se voit envoyé ailleurs, loin de sa famille et de sa terre. Je suis conscient de la complication des choses au c ?ur des négociations qui ont duré des années, mais je pense que j’aurais opté pour que le Hamas retienne le prisonnier israélien pour 20 ans encore, juste pour garantir le retour de tous les prisonniers chez eux. Ici, les gens tentent de nous consoler en disant que la déportation est mieux que la prison. »

« Dans un certain sens, oui, mais la déportation n’est pas une chose facile, pas du tout. Les gens continuent de dire que le jour viendra où toutes ces personnes seront autorisées à retourner. Cependant, les israéliens ont une longue histoire avec la déportation des palestiniens. Aujourd’hui, l’expérience nous a appris que leur retour est renvoyé aux calendes grecques. Personne n’est venue nous parler, ni nous expliquer quoi que se soit. Nous ne connaissons même pas la destination de mon père. C’est pénible à endurer. »

« Mais je n’arrive toujours pas à comprendre comment le Hamas a bien pu accepter une chose pareille, comment quelqu’un comme mon père serait-il déporté. Le pauvre a passé les 25 dernières années à rêver de pouvoir retourner dans sa maison. A présent, sa destination ne sera pas sa maison rêvée mais l’étranger, un endroit que tout le monde ignore. Il est vrai que la déportation est comme le médicament amer que nous devons avaler. »

Le père de Mahmoud Alama

Mahmoud Alama, 16 ans, élève de Beit Ummar, Cisjordanie occupée
Date d’arrestation : le 6 août 2011
Durée de la peine : deux mois
Chef d’accusation : Lancement de pierres
Le père raconte : « Mahmoud était en terminale quand il a été condamné pour le lancement de pierres. Il a été condamné à trois mois de prison. »

« L’expérience de mon fils a été très dure, je ne souhaite à personne d’endurer ce que nous avons vécu. Le moment où j’ai vu mon fils à son procès restera à jamais marqué dans ma mémoire. Je n’oublierai jamais l’expression de l’humiliation et du vide dessinés sur son visage toute ma vie et jusqu’à ma mort. »

Il avoue : « Tout a changé chez nous depuis ce jour. La joie nous a désertés, nous n’avons plus mangé comme avant. Aujourd’hui, j’ai envoyé 500 shekels, montant de l’amende. De toutes les façons, sa condamnation prend fin ce jeudi. Il a été emprisonné pour quelques mois, c’est pourquoi, je ne veux pas faire la fête dans les rues. »
« Cela ne veux pas dire que nous ne comptons pas chaque minute, et chacun ici, du plus petit au plus grand compte chaque minute qui nous sépare de son retour à la maison. »

Le frère de Lina Jabrouni

Lina Jabrouni, 37 ans, Arrabeh, Israël
Date d’arrestation : 2002
Durée de peine : dix ans
Chef d’accusation : Assistance au Jihad islamique en temps de guerre
« Lina a été accusée de ce que les israéliens appellent « assister l’ennemi en temps de guerre », ainsi que d’appartenir au Jihad Islamique. »

Au sujet des retrouvailles, le frère raconte : « On ne peut décrire nos sentiments, nous ne pouvons pas encore attendre avant de la voir et de la prendre dans nos bras de nouveau et de l’avoir parmi nous. Mais notre bonheur sera encore altéré par le fait que des milliers resteront derrière les barreaux.

 ?’Nous ne savons pas exactement si elle sera parmi les gens libérés, ni quand viendra-t-elle. C’est pourquoi, nous restons prudents, mais armés d’espoir. Nous n’avons pas envisagé de faire la fête, contrairement au comité mis en place par notre localité. Nous restons prudents jusqu’à ce qu’on obtienne la certitude de sa libération. »

Il poursuit : « Etre à l’intérieur de la ligne verte n’a qu’un seul sens pour nous : que les peuples Arabes sont une seule force, quelles que soient les frontières et les divisions que les israéliens tentent de mettre en place. Nous, Palestiniens, sommes un seul peuple. »

Quant à la prison, il raconte : « Nous lui rendons visite deux fois par mois, un vendredi sur deux. Elle est très forte, malgré le mauvais traitement permanent subi dans les prisons. »

« Vous me demandez ce que nous ressentons, mais en fait, il est très difficile de décrire nos sentiments. Nos c ?urs sont à présent épuisés, difficile d’attendre le grand moment pour la revoir. Nous ignorons si et quand elle sera parmi les gens libérés. Alors, nous sommes prudents mais confiants. »

« Je dis cela car la liste du Hamas inclut le nom de Lina, tandis que celle d’Israël l’en exclut. Que se passe-t-il réellement, aucune idée, mais nous pensons qu’Israël est en train de jouer. Nous attendons donc que quelqu’un vienne nous parler ou nous expliquer ce qui se passe. »

« Nous sommes partagés entre confusion et déception puisque le Hamas a explicitement dit que toutes les prisonnières seront libérées. »

« Espérons que Lina sera bientôt de retour à la maison, mais pour le moment, les choses ne sont toujours pas claires. »

Al Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.aljazeera.net/indept...
Traduction de l’anglais : Niha


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