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L’histoire d’une mère : Om Fares

mercredi 19 octobre 2011 - 15h:50

Shahd Abusalama

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Les familles des prisonniers veillent à ne pas manquer une seule journée de la manifestation hebdomadaire, de sorte que le nombre de personnes à l’intérieur des bâtiments de la Croix-Rouge est plus important que d’habitude ce lundi.

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Om Fares tenant une photo de son fils emprisonné

On devrait donc s’attendre à voir beaucoup de larmes et à entendre beaucoup de récits tragiques, surtout après que les noms des prisonniers devant être libérés aient été rendus publics.

Alors que j’entrais à la Croix-Rouge, ce lundi, une vieille dame était assise dans un coin, et on la remarquait à peine. Elle mettait ses mains contre ses joues, gardait les yeux fermés et ne disait rien. Les rides sur son visage, son air triste et le verre cassé du portrait qu’elle tenait m’ont fait me diriger vers elle.

J’ai essayé de lui parler mais je n’ai pas pu tout de suite obtenir une réponse, mais seulement après lui avoir parlé très fort tout en lui tenant les mains. J’ai réalisé qu’elle entendait à peine et que sa vision était très réduite. « Qui est cet homme dans l’image ? » lui ai-je demandé en lui parlant d’une voix forte. « C’est mon fils, Fares, ma chérie. Il ne va pas être libéré. Je suis très malade et je vais mourir. J’ai même passé la nuit dernière à l’hôpital. Pourquoi n’est-il pas là pour remplir les derniers jours de ma vie où j’ai passé 22 longues années séparé de lui ? Je veux pouvoir étreindre mon fils avant de mourir, » dit-elle en pleurant intensément et amèrement.

Essayer de la tranquilliser était une tâche très difficile, car on peut imaginer à quel point ses blessures sont profondes. Je regardais autour de moi pour demander qui a accompagné cette dame jusqu’à la tente, car il m’était impossible d’imaginer qu’une femme aveugle soit venue par elle-même. Mais bien que je croyais cela impossible, c’était la réalité.

Après avoir interrogé les gens à la Croix-Rouge à son sujet, j’ai rencontré une jeune femme qui semblait savoir quelque chose. Elle m’a dit que cette vieille femme, Fares Om, vivait seule dans le camp de la plage. Son mari est décédé depuis des années et elle n’a personne pour prendre soin d’elle. C’était très dur pour moi d’imaginer que cette très vieille femme, qui peut à peine marcher, voir ou entendre, soit obligée de vivre seule.

Je me suis mise en colère et j’ai questionné à voix haute comment une vieille femme malade pouvait être laissée à elle-même, sans personne pour s’occuper d’elle. Mais la jeune femme m’a rassurée en me disant que la présence de Om était une raison pour elle de continuer à venir aux rassemblements hebdomadaires. Elle a même organisé un groupe de jeunes filles pour l’aider et montrer leur solidarité avec elle. Elles se sont organisées tout au long de la semaine pour lui rendre visite autant qu’il leur était possible. En entendant cela, je ne pouvais pas m’empêcher de sourire de soulagement de savoir qu’il y avait encore des gens attentionnés, et sans qu’elle me demande de rejoindre son groupe, j’ai déclaré que j’en faisais maintenant partie.

La jeune dame m’a raconté qu’elle était une fois assise avec Fares Om dans sa maison très simple et très petite, bavardant et essayant de lui faire sentir qu’elle n’était pas seule ni oubliée. Soudain Fares Om lui a demandé d’apporter un morceau de papier et un stylo pour écrire ce qu’elle lui dicterait. « Cher Fares, quand tu seras libre, je vais choisir pour toi la plus belle mariée en Palestine. Je vais construire une grande maison pour que vous y habitiez avec vos enfants. Reste inébranlable, mon chéri et si Dieu le veut, tu seras bientôt libre », disait-elle tandis que ses mains étaient occupées à sécher les larmes coulant sur ses joues. La pauvre femme ne savait pas qu’elle ne faisait hélas que rêver, mais qu’elle était une rêveuse qui ne renonce jamais.

Je peux effectivement dire que personne ne m’a autant et profondément émue que cette femme, Fares Om. Je prie pour qu’elle ait la bonne fortune de voir son fils avant de mourir et je lui promets qu’elle ne sera jamais seule et qu’elle aura beaucoup de gens qui ne l’oublieront jamais, elle et son immense chagrin d’avoir son fils emprisonné.

* Shahd Abusalam est artiste, blogueuse et étudiante en littérature anglaise dans la bande de Gaza. Son blog est appelé Palestine from my eyes.

De la même auteure :

- « J’avais un jour quand mon père a été emprisonné » - 17 octobre 2011

18 octobre 2011 - Palestine from My Eyes - Vous pouvez consulter cet article à :
http://palestinefrommyeyes.blogspot.com/
Traduction : al-Mukhtar


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