« La guerre des ventres vides »
dimanche 16 octobre 2011 - 10h:13
Salah al-Naami - Al Ahram
Une grève de la faim entamée par les Palestiniens dans les prisons israéliennes, souligne les conditions barbares auxquelles ils sont soumis, écrit Saleh Al-Naami.
- Les médias dominants font une impasse totale sur la grève de la faim suivie par un grand nombre de prisonniers palestiniens en Israël, se faisant ainsi les complices directs de la politique criminelle de l’Etat sioniste. Ici une manifestation de soutien aux prisonniers devant le siège de la Croix-Rouge à Ramallah
Au milieu d’un silence de mort, le bruit de la chute de Jamal Hassan sur le plancher de sa cellule de la prison de Shatta en Israël a été particulièrement fort ce vendredi soir. Lorsque les gardes ont ouvert la porte de sa cellule, ils l’ont trouvé saignant de la tête et il avait perdu conscience. Il a été transféré vers un hôpital israélien proche.
Hassan, âgé de 31 ans, est l’un parmi les centaines de détenus palestiniens dans les prisons israéliennes qui ont entamé il y a 18 jours une grève de la faim illimitée pour protester contre les brutales conditions d’incarcération auxquels ils sont soumis.
Ces conditions comprennent une longue série de procédures décidées par le cabinet de Benyamin Netanyahou pour tenter d’exercer une pression sur le mouvement Hamas afin d’accélérer l’opération d’échange de prisonniers et faire en sorte que [le Hamas] revienne sur ses conditions préalables à la libération du soldat israélien Gilad Shalit.
Hassan, qui purge une peine de prison à vie, a succombé à la faim, à la soif et à l’isolement et a fini par s’écrouler. Les autorités israéliennes ne communiquent aucune information sur son état de santé, tandis que des sources palestiniennes affirment que les Israéliens dissimulent le fait - de crainte que ces nouvelles ne déclenchent une réaction de colère parmi les Palestiniens - qu’ils ont transféré un grand nombre de prisonniers palestiniens vers les hôpitaux.
Les mesures punitives contre les prisonniers incluent le placement de tous leurs dirigeants en isolement, dans lequel le prisonnier est détenu dans une cellule qui fait 1m sur 1m05, y compris les toilettes, et où il dort et mange. Les Israéliens ont également limité les types de repas servis aux détenus, les empêchent de quitter leurs cellules, augmentent le nombre et la fréquence des appels, ainsi que des fouilles au corps où les prisonniers sont forcés d’enlever tous leurs vêtements sous le prétexte de rechercher des objets tranchants. Les prisonniers sont aussi souvent victimes d’abus violents par des escouades spéciales dont la tâche est de blesser et de tourmenter les prisonniers.
Des sources ont déclaré à Al-Ahram Weekly qu’Israël utilisait la politique de la carotte et du bâton avec les dirigeants des prisonniers, multipliant les mauvais traitements tout en ouvrant des canaux de communication avec ces dirigeants et en leur demandant de faire pression sur le Hamas pour que celui-ci soit plus souple dans les conditions qu’il pose à la libération de Shalit, le tout en échange d’un meilleur traitement en prison.
Les dirigeants des prisonniers palestiniens en Israël ont affirmé que le personnel politique et sécuritaire israélien est particulièrement brutal avec les détenus, parce que leurs dirigeants non seulement n’ont pas répondu à l’offre des autorités pénitentiaires, mais ont même demandé au Hamas de ne transiger sur aucune de ses exigences. Les exigences en question comprennent la libération de tous les prisonniers purgeant des peines à perpétuité, ainsi que des femmes, des enfants et des malades.
Les actions des responsables des prisons consistent à multiplier les agressions contre les prisonniers. Ceux qui sont en grève de la faim ne mangeaient que du sel dissous dans l’eau afin que leurs estomacs ne restent dans le meilleur état possible, mais les autorités pénitentiaires ont vite interdit le sel dans les prisons. Pour les presser psychologiquement, les prisonniers se voient interdire tout changement de vêtements, de sorte qu’ils restent dans les mêmes tenues.
En riposte, les prisonniers et leurs dirigeants ont pris des mesures comme refuser de porter les uniformes imposés dans les prisons israéliennes et de se lever lorsque les gardes font un appel nominal, et comme refuser de coopérer avec l’administration pénitentiaire ou interagir avec elle. Les prisonniers palestiniens appellent leur lutte contre ces mesures oppressives, « la guerre des ventres vides ».
Les dirigeants en prison disent qu’ils vont s’opposer aux politiques répressives en endurant la faim, la soif et l’isolement. Ils ont dit qu’ils avaient fait leur choix et que si les autorités carcérales israéliennes ne mettaient pas un terme à ses mesures brutales, ils continueront leur grève jusqu’à en mourir.
Des sources ont déclaré au Weekly que les dirigeants [palestiniens] dans les prisons ont au premier abord hésité à annoncer une grève de la faim illimitée, car elle allait coïncider avec le projet de l’autorité palestinienne [de Ramallah] de demander en septembre une reconnaissance internationale de l’État de Palestine. Ils craignaient que leur grève ait une incidence négative sur cette initiative. Des sources proches des prisonniers ont déclaré que les mesures oppressives sans précédent appliquées par les autorités pénitentiaires contre les dirigeants palestiniens emprisonnés et la décision de renforcer leur isolement, avaient convaincu les détenus de commencer le jeûne.
Des sources ont déclaré au Weekly que les premiers à avoir entamé une grève de la faim ont été Ahmed Saadat, le secrétaire général du Front Populaire pour la Libération de la Palestine (FPLP), et Jamal Abu Al-Heja, une figure de proue du Hamas, qui sont tous les deux condamnés à la perpétuité. Ils ont été placés en cellule spéciale il y a presque trois ans, et ils n’ont aucun contact avec le monde extérieur. Les mêmes sources ont indiqué que Saadat et Al-Heja avaient réussi à envoyer un message ce jeudi soulignant la nécessité de poursuivre la grève de la faim jusqu’à ce que les forces d’occupation israéliennes répondent à toutes les demandes de prisonniers palestiniens, y compris de mettre fin à l’isolement complet.
Une source a ajouté que les autorités carcérales ont décidé d’isoler tout détenu qui se déclarait en grève de la faim, puis de former un groupe chargé de négocier avec lui les modalités pour qu’il mette fin à la grève. Les autorités israéliennes auraient été surprises de constater que tous les prisonniers palestiniens dans leurs prisons avaient les mêmes revendications. Addameer, l’association de soutien aux prisonniers et qui défend leurs droits, a déclaré que les autorités pénitentiaires ont déplacé un grand nombre de prisonniers, les font passer à tabac et les terrorisent, essayant ainsi de briser leur volonté.
Eissa Qaraqa, ministre palestinien des Prisonniers, a déclaré que « la guerre des ventres vides » vise les extrémistes de droite du gouvernement Netanyahu, ainsi que l’Administration pénitentiaire israélienne. Qaraqa a déclaré que la bataille continuerait jusqu’à ce que toutes les demandes prisonniers soient remplies. « Si les forces d’occupation n’arrêtent pas leurs mesures punitives, la lutte contre l’occupation ne va pas rester confinée à l’intérieur des murs de la prison », a-t-il averti. « Elle va se déployer dans la rue palestinienne. »
En effet, les Palestiniens ont organisé des dizaines de manifestations en solidarité avec les membres de leur famille derrière les barreaux, et de nombreux Palestiniens ont aussi commencé une grève de la faim pour soutenir les prisonniers. Pendant ce temps, des représentants de toutes les organisations palestiniennes ont érigé des tentes devant les bureaux de la Croix-Rouge pour exprimer leur solidarité avec les prisonniers.
Sherine Iraqi, avocate pour le ministère palestinien des Prisonniers, a déclaré que les détenus qu’elle avait rencontrés étaient menottés et portaient des bracelets aux chevilles, et que dans la prison de Shatta les prisonniers étaient fouillés entièrement nus lorsqu’ils étaient transportés d’un endroit à l’autre. Iraqi a ajouté que l’état de santé de plusieurs des grévistes de la faim était devenu critique.
Le Hamas a appelé les organisations de la résistance à renforcer leurs actions contre l’occupation israélienne en réponse à ce qu’il décrit comme « des crimes contre les prisonniers ». « Au milieu du silence de la communauté mondiale, et de la faiblesse arabe et islamique, nous défendrons nos prisonniers et résisterons partout à l’occupation », a déclaré Khalil Al Hayya, une figure de proue du Hamas lors d’une grande marche organisée par son organisation ce vendredi soir à Gaza en solidarité avec les prisonniers. « Nous n’aurons de cesse que nous n’ayons libéré tous les prisonniers des prisons de l’occupation. »
Al-Hayya a noté qu’une résistance totale dans toutes ses formes est le seul moyen de libérer les prisonniers, de préserver leur dignité et de défendre chaque individu que l’occupation israélienne a violé dans sa dignité, dans sa vie et dans ce qu’il possède. « En réponse à l’arrogance de l’occupation qui viole les droits de nos prisonniers, nous allons amplifier notre résistance et poursuivre ses dirigeants comme criminels de guerre. Ils paieront pour leurs actes tôt ou tard », a-t-il ajouté.
Les dirigeants du Hamas tiennent Israël pour responsable de la vie des 7000 prisonniers qui suivent la grève de la faim dans cette « guerre des ventres vides », appelant le peuple palestinien à resserrer les rangs et à s’unir derrière les prisonniers. Al-Hayya a également appelé les peuples libres du monde et les citoyens arabes à agir sur la question des prisonniers et de le faire en toute priorité, et à faire savoir ainsi à Israël que les prisonniers ne sont pas seuls.
Avec leurs ventres vides, des milliers de prisonniers palestiniens s’opposent à la machine oppressive israélienne. Ils comptent sur le peuple palestinien en Cisjordanie, à Gaza et dans la Diaspora pour ne pas être abandonnés à leur sort. Ils espèrent également que la conscience du monde se réveillera et prêtera attention à leur terrible souffrance.
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13 octobre 2011 - Al Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2011/106...
Traduction : Nazem