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Al Qaïda 10 ans après

mardi 13 septembre 2011 - 06h:51

Abdel Bari Atwan

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S’il est exact que « ce sont les résultats qui comptent », alors en ce jour du dixième anniversaire des attaques du 11/9, les Etats-Unis ont été les grands perdants.

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Maquis de l’AQMI au Maghreb - Photo : AFP

Indépendamment du fait de savoir si al-Qaïda en a été à l’origine ou non - comme le disent des théoriciens de la conspiration - les autorités américaines étaient informées à l’avance au sujet des attaques et ont voulu les exploiter au mieux de leurs intérêts.

Ces attaques contre New York et Washington, ou ces « conquêtes », comme al-Qaïda y fait référence dans sa littérature, ont précipité les Etats-Unis dans deux guerres dévastatrices en Afghanistan et en Irak. Ces guerres ont grandement affaibli le prestige militaire des Etats-Unis, les ont épuisés financièrement, ont tué plus de 5000 soldats américains et en ont blessé 40000 autres. Ces guerres ont également alimenté une haine généralisée envers les Etats-Unis à travers le monde, en particulier dans les pays musulmans.

Il faut dire également que le monde musulman, lui aussi, a payé un prix terrible pour ces attaques. L’Irak a été dévasté et près d’un million de ses habitants ont été tués. Les Musulmans en Afghanistan ont été envahis et occupés.

Pourtant, il est également vrai que l’invasion et l’occupation de l’Irak faisaient partie des plans américains bien avant les attentats du 11/9. En 1998, un groupe de partisans d’Israël aux Etats-Unis, dirigé par le professeur Bernard Lewis et incluant un certain nombre de néo-conservateurs comme Richard Perle, Paul Wolfowitz, John Bolton, et d’autres, avait appelé à la destruction de l’Irak. Ce groupe avait publié une large publicité à cet effet dans les journaux américains, pour la raison qu’il considérait l’Irak comme étant le plus grand danger pour la capacité d’Israël à survivre.

Les mêmes ont à nouveau publié cette annonce et insisté sur ce point dans les années qui ont suivi. Ce n’est pas par hasard que tous ces indvidus - à l’exception de Lewis - ont été parmi les « faucons » de l’administration américaine qui ont planifié et lancé la guerre contre l’Irak. Lewis a été le père spirituel de ces faucons, et il est allé jusqu’à appeler à la division de l’Irak, disant qu’il s’agissait d’un état artificiel.

Dix ans plus tard, les États-Unis ont subi une défaite totale en Irak, cédant le pouvoir à un régime sectaire qui est étroitement lié à l’Iran. L’ancien Premier ministre britannique Tony Blair, principal allié de Bush et d’Israël, a hier décrit dans un article publié pour marquer cette date anniversaire [du 11/9], l’Iran comme le plus grand danger pour le monde occidental. Il a même déclaré que s’il était au pouvoir, il lancerait une offensive massive pour détruire ce pays.

La situation en Afghanistan est encore pire, car deux tiers des territoires de ce pays sont sous contrôle de ces mêmes Talibans que les Etats-Unis prétendaient détruire lors de leur invasion en 2001. Comble de l’ironie, l’Administration américaine est obligée de négocier avec ce mouvement intégriste et pourrait bien l’aider à revenir au pouvoir afin de faciliter le retrait des troupes américaines de ce pays.

Avant l’occupation américaine de l’Afghanistan, qui a été vendue comme des représailles pour les attaques du 11/9, Al-Qaïda avait une seule adresse - les montagnes de Tora Bora. Maintenant, grâce à l’influence d’Israël et ses partisans dans l’administration du président Bush, dix ans après la déclaration de guerre contre le terrorisme et malgré l’assassinat de son chef et fondateur, Oussama Ben Laden, Al-Qaïda est plus fort que jamais.

Ce mouvement possède des succursales un peu partout. Dans la péninsule arabique, le groupe dirigé par Nasir al-Wuhayshi menaçe les champs de pétrole, les réserves de pétrole en Arabie Saoudite et les voies d’approvisionnement pétrolier de l’Occident dans la région du Golfe.

Il y a une autre branche en Somalie qui contrôle les routes maritimes internationales. Et il existe une branche au Maghreb islamique, à un jet de pierre des côtes méditerranéennes de l’Europe méridionale.

La branche en Irak se regroupe et renforce ses rangs après avoir surmonté ses divergences avec l’insurrection locale.

L’organisation de la maison-mère en Afghanistan n’a pas faibli, au contraire des affirmations des « experts en terrorisme » qui disent ce que leurs patrons souhaitent entendre. [Al Qaïda] est dans une alliance étroite avec les Talibans qui ont remporté de nombreuses victoires sur les champs de bataille.

En raison des attaques du 11/9 et de leurs conséquences catastrophiques, les Etats-Unis se sont affaiblis et sont en perte de vitesse. Ils sont maintenant le pays le plus lourdement endetté du monde (quatorze mille milliards de dollars). N’est-il pas intéressant de noter que les Etats-Unis n’ont pas osé intervenir militairement en Libye, en optant de laisser le boulot à la France et à la Grande-Bretagne, de peur de répéter les expériences d’Irak et d’Afghanistan ?

Un autre point sur lequel les commentateurs occidentaux sont totalement silencieux, ce sont les avantages au profit d’Al-Qaïda qui découlent de la guerre en Libye. Les capacités militaires de ses bases en Algérie, de ses succursales au Maghreb (Al Qaïda au Maghreb Islamique - AQMI) et au Tchad, au Niger, au Mali, en Mauritanie et au Burkina Faso ont été grandement stimulées par la saisie d’armes, de munitions et de roquettes dans les dépôts d’armes du régime libyen en voie d’effondrement. Cette situation a semé l’horreur dans le c ?ur des responsables occidentaux en charge de la lutte contre le terrorisme.

Nous ne serions pas surpris si le dirigeant libyen, Mouammar Kadhafi qui est en fuite, allait s’allier avec al-Qaïda ou ses cellules dans la région afin de terroriser l’Europe et se venger de l’OTAN qui joué un rôle majeur dans le renversement de son régime.

La crise financière qui gangrène le monde occidental est un résultat direct de la réaction exagérée aux attaques du 11/9. Ce n’est pas par hasard que le volume du déficit dans l’économie du monde occidental, estimé à environ trois mille milliards de dollars, est égal au volume des dépenses militaires américaines et européennes en Irak et en Afghanistan.

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Centre d’entraînement de la résistance irakienne. Les Etats-Unis et leurs alliés occidentaux, sionistes et arabes n’ont jamais autant été détestés...

L’intervention militaire de l’OTAN en Libye doit être comprise sous l’angle du néo-colonialisme. Voulant résoudre ses propres problèmes budgétaires et espérant s’accaparer les ressources de la Libye et ses énormes actifs financiers (160 milliards de dollars), cette intervention n’est pas motivée par un souhait de sauver le peuple libyen d’un tyran. Après tout, la Grande-Bretagne et la France coopéraient encore avec ce tyran à peine quelques mois avant que n’éclate l’insurrection. Des documents authentifiés révèlent que la CIA et le service de renseignement britannique ont arrêté des opposants libyens et les ont remis à Kadhafi, certains d’entre eux étant ensuite torturés - parmi eux Abdel Hakim Bel Hajj, l’actuel commandant militaire du Conseil militaire des rebelles libyens à Tripoli et chef du Groupe islamique combattant libyen.

L’énorme machine américaine et militaire européenne est intervenue dans deux des pays du monde arabe, à savoir l’Irak et la Libye, sous le couvert de promouvoir la démocratie et les droits humains. Ce n’est pas une coïncidence si ces deux pays sont producteurs de pétrole, et ils ont payé - et continuent de payer - la facture pour cette intervention militaire avec leur pétrole et leurs avoirs financiers.

Le monde occidental exploite soigneusement et avec préméditation notre stupidité et celles de nos dirigeants, la Libye étant un exemple. Après avoir trompé « le roi des rois », après l’avoir persuadé de détruire ses armes de destruction massive, et en exploitant son fils et héritier présumé, Seif al-Islam, comme un pont pour avoir accès aux richesses de Kadhafi et faire en sorte qu’il les dépose dans les banques occidentales, les occidentaux se sont jetés sur lui comme des loups pour le mettre en pièces et le jeter dehors où il mérite d’être, cherchant un refuge sûr.

En tant qu’organisation, Al-Qaïda existe toujours et se transformera très certainement en une organisation encore plus dangereuse aussi longtemps que perdurera l’humiliation des Arabes par les Etats-Unis et les occidentaux. Cette humiliation prend la forme du soutien des Etats-Unis en faveur d’Israël, de l’occupation, des agressions et profanations des lieux saints arabes et islamiques, du pillage permanent de nos ressources et des revenus du pétrole.

Ils détruisent nos pays... et ils veulent en plus être payés pour les reconstruire avec nos fonds et nos dépôts !

Ce n’est pas par hasard qu’à l’occasion du 10e anniversaire des attaques du 11/9, l’administration américaine a souligné qu’elle opposerait son veto à un projet à un projet de résolution du Conseil de sécurité appelant à la reconnaissance d’un Etat palestinien sur moins de 22% de terre de la Palestine historique.
Tant que les Etats-Unis et le monde occidental persisteront à adopter une position qui est humiliante pour les Arabes et les Musulmans et qui est biaisée en faveur d’Israël et de son agression caractérisée, la paix restera un objectif hors de portée et, plus tragique encore, la violence ira en augmentant.

La nouvelle génération d’al-Qaïda et les groupes djihadistes aux vues similaires sont beaucoup plus impitoyables et téméraires que Oussama ben Laden ne l’a jamais été. Quelque chose de bien plus dangereux qu’Al-Qaïda et Oussama ben Laden est en train de naître.

* Abdel Bari Atwan est palestinien et rédacteur en chef du quotidien al-Quds al-Arabi, grand quotidien en langue arabe édité à Londres. Abdel Bari Atwan est considéré comme l’un des analystes les plus pertinents de toute la presse arabe.

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11 septembre 2011 - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.abdelbariatwan.com/AlQai...
Traduction : Nazem


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