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Pour éviter une intervention étrangère, la Syrie doit accepter l’initiative de la Ligue arabe

dimanche 11 septembre 2011 - 06h:14

Abdel Bari Atwan

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Nabil al-Arabi, secrétaire général de la Ligue arabe, attend toujours la réponse du gouvernement syrien à sa demande de visite à Damas [visite qui a eu lieu le 9 septembre, et dont les résultats semblent positifs - N.d.T].

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Manifestation à Homs, le 6 mai 2011

Les ministres des Affaires étrangères de la Ligue arabe l’ont chargé de se rendre à Damas à la tête d’une délégation afin de transmettre à la direction syrienne une initiative arabe contenant « quelques idées » pour résoudre la crise actuelle en Syrie [principalement l’arrêt immédiat de la répression et la tenue d’un scrutin présidentiel pluraliste en 2014 - N.d.T].

Il semble que Al-Arabi devra attendre un long moment, car l’ambassade de Syrie au Caire a publié une déclaration exprimant son rejet véhément de l’appel de la Ligue arabe pour « mettre fin à l’effusion de sang et recourir à la raison avant qu’il ne soit trop tard » et son rejet aussi de l’expression par les ministres des Affaires étrangères de leur « préoccupation concernant des milliers de frères du peuple syrien morts ou blessés. »

Les ministres ont également appelé à « respecter le droit du peuple syrien à une vie sûre et digne et à respecter ses aspirations légitimes à des réformes politiques et sociales. »

Bien que le mécontentement de la Syrie face à la déclaration de la Ligue arabe soit compréhensible, il n’est cependant pas justifié, car la Syrie est le témoin d’un soulèvement populaire, où les forces de sécurité syriennes tirent à balles réelles, tuant ou blessant des milliers personnes. On estime que quelque 2300 personnes ont jusqu’ici perdu la vie.

La déclaration officielle syrienne prétend que cet appel de la Ligue arabe pour arrêter l’effusion de sang est une ingérence dans les affaires intérieures syriennes. Cette déclaration syrienne est inappropriée parce que l’appel a été lancé par la Ligue arabe à laquelle la Syrie adhère. Par ailleurs, la Syrie a soutenu une précédente déclaration publiée par les ministres arabes des Affaires étrangères appelant à une intervention étrangère en Libye pour protéger les civils contre un massacre que le régime libyen se préparait à commettre à Benghazi.

L’initiative arabe n’a pas pour objectif (du moins jusqu’à présent) une intervention étrangère en Syrie. Aussi la Syrie devrait montrer plus de flexibilité dans le traitement de l’initiative arabe, parce que les autorités syriennes, en plus d’être confrontées à l’isolement international, ne devraient pas contrarier tous les Arabes comme elles ont contrarié la Turquie et la plupart des États occidentaux.

La réponse répressive acharnée à laquelle les autorités syriennes ont eu recours n’a pas réussi à arrêter le soulèvement populaire, mais a plutôt augmenté les manifestations. Dans le cas contraire le soulèvement n’aurait pas continué pendant plus de six mois sans relâche, faisant des centaines, voir des milliers de morts ou blessés.

Oui, c’est vrai qu’il y a des hommes armés qui ont ouvert le feu sur les forces de sécurité syriennes, que des manifestants attaquent des villes et des villages, mais ceux-ci sont une minorité et seulement l’exception. La majorité des manifestants sont sans défense et sans armes. Le monde entier a vu les manifestants utiliser uniquement leur voix pour exprimer leur désir de changement, de réforme et de démocratie dans leur pays.

Oui, il y a une conspiration étrangère, mais elle ne devrait pas être contrecarrée tout en jetant de l’huile sur le feu. Les manifestations devraient être traitées par le dialogue et des réponses sérieuses aux demandes de réforme, et non pas en envoyant des chars et des unités de l’armée dans les villes pour y tuer des milliers de manifestants.

L’Iran, l’allié le plus proche de la Syrie dans la région, a été le témoin de massives protestations populaires, qui étaient soutenues par des puissances étrangères et leur énorme machine médiatique et qui visaient à renverser le régime iranien. Pourtant, la gestion des autorités iraniennes de la crise a été très intelligente et sage. Nous ne disons pas cela à la gloire de l’Iran, mais à partir d’un postulat objectif professionnel. Pas plus de 26 ressortissants iraniens - plus de la moitié d’entre eux étant des hommes des services de sécurité - ont été tués dans les manifestations populaires iraniennes réclamant une réforme démocratique et dénonçant les résultats des dernières élections.

Rien que dans la ville syrienne de Dar’a, des dizaines de personnes ont été tuées ou blessées dans les premiers jours des manifestations et des dizaines d’autres manifestants ont été tués alors qu’ils ont participaient aux funérailles des victimes. Les autorités syriennes elles-mêmes n’ont rien dit sur de soit-disant hommes armés ou intrus dans les manifestations... Elles ont reconnu que la crise a été mal gérée, et le gouverneur de la ville a été limogé. Puis le président syrien Bachar al-Assad a rencontré personnellement les chefs tribaux de la ville.

La déclaration du ministre iranien des Affaires étrangères, qui a exhorté le président Al-Assad à « respecter les demandes légitimes de son peuple » est un message d’une grande importance du point de vue de sa signification et du moment choisi, en particulier parce que le ministre iranien exprimait « sa préoccupation sur la possibilité d’une intervention de l’OTAN en Syrie » comme cela s’est produit en Libye. Le lien est clair entre la « demande légitime » du peuple syrien et « l’intervention étrangère », dans le sens que le refus de la première peut conduire à la seconde, à savoir l’intervention des forces de l’OTAN même si la déclaration iranienne a averti du danger d’une telle intervention et du risque de résultats similaires à ce qui s’est passé en Irak et en Afghanistan.

L’avertissement iranien est juste parce que la Syrie est différente de la Libye et que le régime syrien n’est pas isolé dans la région. Il fait partie d’un bloc qui inclut l’Iran - une puissance régionale majeure - et le Hezbollah, qui comprend des combattants puissamment motivés disposant d’un considérable arsenal d’armes modernes, et qui ont prouvé leur efficacité à faire face et à vaincre l’agression israélienne en 2006. Par ailleurs, l’armée syrienne est puissante et les agences de sécurité intérieure se mobilisent autour du régime. Ni dans l’armée ni dans les institutions de sécurité en Syrie, nous n’avons vu jusqu’à présent de division.

La question qu’il faut se poser ici est sur l’étendue de la préparation de l’Iran à s’engager dans une guerre régionale au cas où la crise syrienne évoluerait jusqu’au niveau d’une intervention potentielle de l’OTAN avec la participation de la Turquie et d’autres pays. Il est difficile de répondre à cette question, mais l’armée iranienne n’a absolument pas combattu en dehors de ses frontières depuis des décennies, sauf quand elle y a été contrainte comme cela a été le cas dans la dernière guerre contre l’Irak. Les Iraniens soulignent que c’est l’Irak qui a lancé l’offensive [en 1980], mais cette question est restée controversée avec l’Irak.

La Russie, qui envoie des signaux de soutien à la Syrie, a abandonné l’Irak quand celui-ci était devenu la cible de l’agression américaine en 2003, malgré les contrats commerciaux qu’elle avait décrochés avec l’Irak et qui totalisaient 45 milliards de dollars. La Russie a également abandonné la Serbie, son plus proche allié traditionnel orthodoxe en Europe, et n’a pas levé le petit doigt quand les fusées américaines pilonnaient Belgrade.

La réalité est que les gouvernements étrangers agissent en fonction de leurs intérêts et ne sont pas motivés par des émotions ou de la courtoisie. Cela ne signifie pas que l’intervention iranienne en Syrie, par exemple, est hors de question dans le cas d’une intervention de l’OTAN. La façon de sortir de la crise en Syrie peut être politique, après que la solution de sécurité ait échoué. L’initiative arabe peut offrir une bouée de sauvetage à cet égard, et la Syrie ne devrait pas fermer la porte à cette initiative.

Nous espérons voir la Ligue arabe, le Secrétaire général Nabil al-Arabia et sa délégation en Syrie très prochainement, car la Syrie n’a nul besoin de se créer des ennemis. Elle doit au contraire arrêter l’effusion de sang comme prélude à un vrai et sérieux changement démocratique, qui doit débuter immédiatement et sans aucun retard. Ne vaut-il pas mieux une « arabisation » de la crise plutôt que son internationalisation ?

* Abdel Bari Atwan est palestinien et rédacteur en chef du quotidien al-Quds al-Arabi, grand quotidien en langue arabe édité à Londres. Abdel Bari Atwan est considéré comme l’un des analystes les plus pertinents de toute la presse arabe.

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29 août 2011 - Abdel Bari Atwan - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.abdelbariatwan.com/Syria...
Traduction : Naguib


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