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L’opportunité du Ramadan

mercredi 3 août 2011 - 16h:48

Abdel Bari Atwan

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Certaines des plus grands conquêtes de l’Islam se sont produites dans le mois de Ramadan. Mais ce n’est pas le cas en Libye.

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Les habitants de Tripoli fouillent les décombres suite à un nième bombardement de l’OTAN - Photo : KeystoneUSA-Zuma

Des experts islamiques assurent qu’il n’existe aucune interdiction de faire la guerre pendant le Ramadan. Au contraire, beaucoup de grandes conquêtes de l’Islam se sont produites durant ce mois sacré, y compris le premier choc entre Musulmans et infidèles, qui s’est produit en 624, lorsque Muhammad a mené ses troupes à la victoire dans la bataille de Badr. La guerre pour l’extension de l’Islam et contre les non-croyants est considérée comme moralement acceptable par les savants, même pendant le mois de jeûne et de prière.

Mais ce n’est pas le cas en Libye. David Cameron, son secrétaire aux Affaires étrangères William Hague et Nicolas Sarkozy ne sont pas le prophète Mahomet et ses compagnons. Même si l’intervention de l’Otan en Libye avait été entièrement désintéressée (et non à cause du pétrole et d’opportunités sonnantes et trébuchantes lucratives) les clercs islamiques estiment qu’il est absolument interdit aux Musulmans de chercher l’aide de non-croyants contre d’autres Musulmans.

Les Musulmans jeûnent pendant le Ramadan, qui commence ce lundi, la souffrance de la faim amenant à comprendre et à sympathiser avec les faibles et à se concentrer sur Dieu. Ce n’est pas le moment d’augmenter le nombre de morts et de perpétuer la misère déjà provoquée par la guerre civile en Libye en poursuivant les bombardements.

L’intervention de l’OTAN est de façon évidente désastreuse. Elle aurait pu protéger Benghazi et s’en tenir à cela, comme le suggéraient la plupart des nations qui ont voté la résolution 1973. Mais maintenant, l’objectif est clairement un changement de régime et la Grande-Bretagne et la France se retrouvent englués dans une bataille qui se révèle beaucoup plus difficile à gagner que ce qu’ils pouvaient jamais avoir prévu.

Jusqu’ici Mouammar Kadhafi a survécu, contre toute attente, non seulement physiquement mais politiquement. Plusieurs tentatives d’assassinat ont échoué, les premiers espoirs d’une « révolution de palais » ont disparu, et les défections dans son camp semblent toucher à leur fin. Bien que l’OTAN ait presque supprimé les forces aériennes libyennes, les troupes loyales à Kadhafi ont regagné environ 20% du territoire perdu dans le sillage immédiat de l’insurrection commencée dans l’Est. Militairement les rebelles n’ont pas été impressionnants, et maintenant ils risquent d’être déchirés politiquement par l’approfondissement des fractures entre factions au sein du Conseil national de transition (CNT).

Jeudi dernier, un élément islamiste au sein du gouvernement libyen en gestation a assassiné son commandant militaire, le général Abdel Fattah Younès, ancien ministre de Kadhafi de l’intérieur. Kadhafi aurait certainement bien profité d’une telle occasion de propagande - questionnant les références démocratiques du CNT et sa capacité à maintenir la loi et l’ordre - si l’OTAN n’avait pas bombardé les émetteurs de la télévision d’Etat libyenne.

Le CNT a rencontré encore d’autres problèmes après que le sénateur républicain US John McCain l’ait critiqué pour des atteintes « documentées » aux droits humains. Bien que ce soit en l’absence d’une formule simple entre « bons et mauvais types », c’est le moment qui a été choisi par Hague pour déclarer la reconnaissance britannique officielle du CNT comme gouvernement de la Libye.

Abdel Fatah Younis était membre de la puissante tribu Obeida et son assassinat pourrait bien enflammer les divisions tribales au sein de l’opposition et l’affaiblir davantage. Plus inquiétant encore, lors des funérailles de Younis un de ses fils a crié : « Nous voulons le retour de Kadhafi. Nous voulons le drapeau vert ».

Une grande partie de la population libyenne est las du conflit et a peur pour l’avenir. Certaines sources dans le pays disent que 1100 civils ont déjà perdu la vie à la suite des bombardements de l’OTAN, et avec le peu de cibles militaires qu’il reste, le mois de Ramadan peut s’avérer encore plus sanglant si la campagne se poursuit.

Le soutien populaire à l’effort de l’OTAN est en déclin, non seulement dans le monde arabe mais aussi en Occident. Beaucoup en Grande-Bretagne se demandent s’il est moral pour le gouvernement de poursuivre deux guerres alors que de profondes compressions budgétaires se font sentir. La guerre en Afghanistan a coûté jusqu’à présent au Royaume Uni l’équivalent de 18 milliards de livres sterling et les coûts de la guerre en Libye avoisinent déjà 1 milliard.

Le mois du Ramadan peut représenter une opportunité pour l’OTAN de cesser ses bombardements tout en reconnaissant le rôle de ce pilier de l’Islam. Ce serait aussi une opportunité pour chercher plutôt à négocier un règlement pacifique pour un conflit qui menace de désintégrer la Libye.

* Abdel Bari Atwan est palestinien et rédacteur en chef du quotidien al-Quds al-Arabi, grand quotidien en langue arabe édité à Londres. Abdel Bari Atwan est considéré comme l’un des analystes les plus pertinents de toute la presse arabe.

Du même auteur :

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- L’hypocrisie occidentale face aux soulèvements populaires dans le monde arabe - 1° juin 2011
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31 juillet The Guardian - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.guardian.co.uk/commentis...
Traduction : Nazem


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