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Les prisonniers palestiniens d’Israël qu’on veut oublier

lundi 10 juillet 2006 - 19h:30

Isabelle Humphries

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" Avec environ 20 % de la population palestinienne qui a connu les prisons israéliennes, une ou plusieurs fois, vous aurez du mal à trouver une seule famille qui n’ait pas été touchée."

Alors que les Occidentaux sont outrés par la détention prolongée d’un soldat israélien à Gaza, comme par hasard ils ne voient pas les milliers de Palestiniens faits prisonniers par Israël depuis des décennies. Beaucoup d’entre eux sont détenus sans aucun procès, « en détention administrative », et sans possibilité de recourir au système judiciaire israélien, et encore moins de faire respecter le droit international.

Plus de 8 000 prisonniers

Alors même que les organisations israéliennes pour les droits de l’homme se plaignent des difficultés à obtenir des statistiques, de sources officielles, sur le nombre exact de prisonniers palestiniens, il est très difficile pour des journalistes étrangers de trouver des statistiques à jour. Selon l’ONG israélienne B’Tselem, en janvier 2006 plus de 8 200 Palestiniens étaient détenus par Israël. Ce chiffre se décompose comme suit : 3 111 sont détenus par l’armée (dont 741 en détention administrative) et 5 127 le sont dans les prisons israéliennes (53 en détention administrative). D’autres sources citent des chiffres plus élevés qui devraient inclure les prisonniers politiques palestiniens sous passeports israéliens. La citoyenneté israélienne n’octroie pas la liberté d’expression politique à beaucoup de citoyens palestiniens.

Selon la Société palestinienne des Prisonniers, en mars 2005 (citée par Samar Assad, du Centre Palestine - USA), 19 prisonniers subissaient des condamnations de 20 ans et 140 entre 15 et 20 ans. Un rapport du ministère des Détenus et des Libérés de l’Autorité nationale palestinienne indique que 400 prisonniers ont été condamnés avant les Accords d’Oslo [1993-ndt] ; selon cet accord, ils auraient dû être libérés.

Détention administrative

Qu’est exactement la détention administrative ? Un emprisonnement sans procès - ou un emprisonnement prolongé une après avoir fini sa peine. L’ordre militaire israélien n° 1229 (1988) autorise les militaires à garder les Palestiniens dans les Territoires occupés pendant 6 mois sans procès, lesquels sont souvent reconduits. Pour prendre leur décision et condamner à la détention, les juges examinent les faits matériels dans le secret, en dehors du détenu ou de son avocat (une politique admise de façon inquiétante dans le monde occidental post-11 septembre).

La détention administrative n’est pas une nouveauté pour les Palestiniens : elle est utilisée par les Israéliens depuis l’établissement de l’Etat, d’abord dans les territoires occupés en 1948 pour les Palestiniens qui ont pu devenir citoyens israéliens, et depuis 1967 pour imposer une main de fer sur la Cisjordanie et Gaza. En tant qu’écrivain britannique, je me dois de reconnaître que les Lois d’urgence qui autorisent les forces israéliennes à procéder à de telles arrestations remontent aux lois mandataires promulguées pour empêcher les Arabes et les Juifs de renverser l’occupation coloniale britannique. Sous le régime britannique, les Juifs sionistes en Palestine se plaignaient amèrement de la violation de leurs droits fondamentaux par l’occupant. Cependant, sitôt qu’ils ont eu le pouvoir, ils décidèrent de les conserver comme lois « d’urgence » et « de sécurité », mais seulement pour les Arabes.

Les enfants

L’organisation « Defence of Children International », (DCI) produit des statistiques récentes : en date du mois dernier (juin 2006), il y avait 388 enfants palestiniens sous détention israélienne. Des centaines d’autres - devenus maintenant adultes - ont été arrêtés comme enfants. Le ministre de l’Autorité nationale palestinienne dit que plus de 3 000 enfants ont connu les prisons palestiniennes depuis septembre 2000, la majorité étant détenus pour avoir lancé des pierres. Selon la loi israélienne, il faut avoir 16 ans pour pouvoir être accusé et condamné, mais dans la pratique, les jeunes de 12 ans sont jugés et enfermés.

La politique des Israéliens envers les mineurs ne viole pas seulement leur propre loi mais aussi la loi internationale, laquelle stipule qu’une personne ne peut être considérée adulte qu’à partir de 18 ans. Et Israël ne s’en tient pas aux adolescents. Il y a quelques semaines (en mai 2006), DCI publiait qu’un enfant de Cisjordanie âgé de 5 ans avait été arraché des bras de son père et gardé en détention pendant 6 heures et demie.

Torture systématique et mauvais traitements

Les organisations des droits de l’homme, palestiniennes et internationales, ont produit des documents sur la pratique habituelle de la torture par Israël : une forme d’humiliation et de destruction du prisonnier. Environ 85 % des Palestiniens rapportent ces abus systématiques tels que les mains menottées dans des positions éprouvantes, des coups violents, des mises à l’isolement et des pratiques répugnantes comme mettre des sacs remplis d’excréments sur la tête du prisonnier.

Les règles des prisons israéliennes violent la plupart des lois sur les droits humains de base qui prévoient notamment le suivi médical des prisonniers. Prenons le cas de Darigeh Suleiman, 53 ans, de Taybeh en Cisjordanie. Le 25 avril, Darigeh informe les autorités de la prison d’Hasharon qu’il a des douleurs à la poitrine et il demande à voir le médecin de la prison. Au lieu de procèder à l’examen médical approprié, le docteur de la prison lui donne simplement un calmant pour la douleur et le renvoie dans sa cellule. Il décède dans la nuit. Il était le 13ème prisonnier à mourir en captivité depuis le début de la seconde Intifada.

Une grande majorité de prisonniers sont des hommes, mais plus de 100 femmes sont détenues par Israël et depuis septembre 2000, il y a eu au moins deux naissances en captivité. Si les hommes font part de certaines formes de tortures sexuelles en prison, les femmes détenues sont particulièrement vulnérables à cette forme d’humiliations par leurs geôliers. Des femmes sont obligées de se dévêtir devant les gardes, dont beaucoup sont des hommes, et sont soumises à une fouille corporelle brutale. Beaucoup de femmes prisonnières ont relaté les agressions sexuelles commises par l’armée israélienne et le personnel pénitentiaire. Parfois, des femmes sont mises en détention dans le seul but de menacer ou de faire pression sur un homme de la famille.

Les conséquences à long terme sur la société palestinienne

L’impact dans le long terme d’un si grand nombre de détentions ne peut être sous-estimé. Le fait que l’Autorité nationale palestinienne ait créé un ministère spécialement attaché aux questions des Prisonniers et des Prisonniers libérés montre bien son inquiétude. L’équipe qui anime le Programme de psychiatrie pour la communauté de Gaza, par exemple, a révélé un nombre impressionnant de personnes souffrant depuis longtemps des conséquences des tortures et de leur incarcération. Comment les ONG et un gouvernement qui ne peuvent faire face au traumatisme immédiat des attaques de l’armée, du chômage et de la pauvreté pourraient-ils traiter les effets psychologiques sur des prisonniers et leur famille, pendant et après leur captivité ?

A la différence des membres de l’armée israélienne, la grande majorité des prisonniers palestiniens ne se sont pas engagés dans des actes violents pour résoudre le conflit.

Israbelle Humphries est rédactrice des Affaires musulmanes, Palestine in focus ]. Elle conduit des recherches sur les réfugiés internes palestiniens à la faculté St-Mary, université de Surrey, Royaume-Uni. Elle est basée à Nazareth. Vos observations peuvent lui parvenir par l’équipe des Affaires musulmanes.

Chercheur - Nazareth - mercredi 5 juillet 2006 / Jumada Thani 9, 1427
http://www.islamonline.net/english/...
Traduction : JPP


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