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Syrie : un étudiant raconte le supplice enduré par des centaines de détenus torturés dans un stade

samedi 28 mai 2011 - 06h:15

Amnesty

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Les habitants de Banias ont subi une violente répression de la part des forces de sécurité syriennes à la suite des manifestations en faveur de la réforme.

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Les habitants de Banias ont subi une violente répression de la part des forces de sécurité syriennes à la suite des manifestations en faveur de la réforme. © Demotix

Un étudiant de 25 ans raconte à Amnesty International les coups et les actes de torture qu’il a subis, comme de nombreux autres détenus, après avoir été arrêté avec son père de 73 ans et enfermé dans un stade par les forces de sécurité dans la ville côtière de Banias, le 8 mai 2011.

« Plusieurs soldats ont frappé à la porte et nous ont demandé de venir cinq minutes avec eux car leur officier voulait voir nos cartes d’identité. Nous les avons suivis et nous avons vu que de nombreux autres hommes et garçons étaient dans le même cas que nous. Ils nous ont rassemblés sous le pont Ras al Naba, situé dans le quartier du même nom, où des affrontements armés avaient eu lieu entre les militaires et quelques hommes armés le mois dernier [en avril].

« Il y avait cinq bus Toyota de chacun 24 passagers, et un bus Mazda de 31 passagers, ainsi que des véhicules militaires. Je me suis éloigné de mon père car, s’ils l’avaient frappé devant moi, cela aurait été trop dur pour nous deux.

« Dans le bus, trois soldats qui nous accompagnaient ont commencé à frapper les hommes qui étaient assis à l’avant. Moi, j’étais à l’arrière. Puis, le bus s’est arrêté à al Qooz [quartier alaouite de Banias] pendant quelques minutes. On nous a fait descendre du bus et un soldat est passé avec des ciseaux, coupant des mèches de cheveux à certains d’entre nous au hasard. Il m’a coupé une mèche à l’arrière de la tête sans aucune raison.

« Ensuite ils nous ont emmenés au stade, au bout de la rue de la Corniche, à Banias. Quand je suis descendu du bus, ils m’ont bandé les yeux et m’ont attaché les mains devant avec des liens en plastique. Certains ont eu les mains attachées dans le dos. Ensuite, ils ont commencé à nous frapper. Ils nous ont fait nous agenouiller sur le parking du stade. Comme nous étions plusieurs centaines, nous étions assez serrés.

« Des soldats portant des tenues de camouflage et des agents de sécurité vêtus d’uniformes verts passaient entre nous, nous giflant violemment, nous donnant des coups de pied sur tout le corps avec leurs bottes militaires, en particulier dans le dos, et nous frappant à coups de gourdin, de matraque et de massue.

« Après, ils choisissaient certains détenus au hasard et les traînaient un peu à l’écart des autres afin d’avoir assez de place pour les passer à tabac. L’un d’eux s’est approché de moi alors que j’étais agenouillé, a mis son pied sur ma tête et a appuyé jusqu’à ce que mon visage touche le sol. Il m’a demandé : “Qui est ton maître ?” J’ai répondu : “Bachar el Assad”, et il m’a lâché. La même chose est arrivée à mon ami, mais le soldat lui a cogné la tête par terre avec son pied jusqu’à ce qu’il saigne du nez et de la bouche. Il continuait de lui demander “Qui est ton Dieu ?” et il ne l’a laissé tranquille que quand il a répondu : “Bachar el Assad”.

« Chaque fois que le bandeau glissait de mes yeux, un homme me frappait et le rattachait. Quand quelqu’un demandait de l’eau, un soldat nous en lançait sur la tête et nous interdisait de la boire. Quand quelqu’un demandait à aller aux toilettes, ils répondaient : “Fais dans ton pantalon.” Certains m’ont dit ensuite que c’est ce qu’ils avaient fait. On voyait les grosses taches sur leurs pantalons.

« Je me souviens avoir entendu un homme les supplier en pleurant, expliquant qu’il était asthmatique, mais ils n’en ont rien eu à faire.

« Nous sommes restés comme ça, à genoux, à nous faire battre et insulter, environ de 14 heures à 17 h 30. Ensuite, ils nous ont ordonné de nous lever et d’attendre qu’on prenne nos noms. Pendant que nous attendions, trois soldats sont venus et m’ont demandé de sortir du rang, ainsi qu’un de mes cousins, un voisin et un ami. Un par un, nous avons été frappés avec un long morceau de bois épais qui sert habituellement dans le bâtiment. Deux soldats me tenaient fermement tandis que le troisième me frappait de toutes ses forces derrière les jambes avec ce morceau de bois. Il m’a frappé ainsi trois fois et j’ai perdu connaissance. C’était vraiment atroce.

« Puis, après avoir attendu une heure qu’on enregistre nos noms, nous avons été emmenés dans le dortoir des athlètes, un long couloir avec des grandes chambres. Ils nous ont entassés à plusieurs dizaines par chambre. Quand je me suis agenouillé, j’étais collé à mes voisins. Ensuite ils nous ont demandé de nous déplacer pour laisser des passages. Bien sûr, ils avaient besoin de ces passages pour pouvoir tous nous atteindre et nous frapper.

« Je me trouvais au bord d’un de ces “passages”, donc j’étais facile à atteindre et j’ai reçu beaucoup de coups. L’un d’eux m’a donné une telle claque sur l’oreille que j’ai eu des bourdonnements pendant plus de deux heures.

« Ils prenaient tout particulièrement pour cibles les hommes qui avaient une longue barbe [peut-être soupçonnés d’être des islamistes opposés à l’État]. Il y avait un homme avec une longue barbe qui était marin, pas islamiste. Ils l’ont frappé si fort que son visage était en sang. Mon bandeau était un peu desserré et, en penchant la tête en arrière, j’arrivais à voir.

« Au bout de plusieurs heures, ils nous ont donné un peu d’eau et nous ont autorisés à aller aux toilettes, seulement pour faire pipi.

« Pendant cette détention, deux épisodes m’ont vraiment fait très mal. L’un concerne mon cousin, qui est aussi mon ami et qui figurait parmi les détenus. Sa vue est si mauvaise qu’il est presque aveugle. Il a dit aux gardiens : “Je suis aveugle. J’ai une carte de handicapé.” Ils se sont approchés de lui et ont commencé à le frapper très fort. J’ai vu que du sang avait coulé derrière ses oreilles des deux côtés.

« L’autre épisode concerne un garçon d’environ 15 ans, peut-être moins. Il avait des cloques sur le dos d’une main [...] J’ai demandé à d’autres détenus ce qui lui était arrivé et ils m’ont dit que c’était les soldats qui l’avaient brûlé avec un briquet.

« Un médecin d’environ 32 ans, qui travaille à l’hôpital Jamiyat al Birr wa al Khadamat, a été frappé si fort qu’il a eu la main cassée. Les soldats ont accusé l’hôpital d’avoir soigné ce qu’ils appelaient des “terroristes”.

« Mon ami m’a raconté qu’il se trouvait à côté d’un enseignant que nous connaissons bien, âgé d’une soixantaine d’années. Il a été sévèrement battu malgré son âge. Mon ami m’a dit que cet enseignant s’était adressé à deux des hommes qui le frappaient, leur rappelant qu’il les avait eus comme élèves quand ils étaient plus jeunes. Cela ne leur a fait ni chaud ni froid.

« Vers 23 heures, un officier supérieur est entré et a ordonné aux soldats d’arrêter les coups, ce qu’ils ont fait. Au moment de dormir, un détenu a posé sa tête sur ma cuisse, un autre sur mon ventre, et j’ai moi-même dû poser ma tête sur le ventre de quelqu’un d’autre. Difficile de dormir dans ces conditions. Je n’ai pas réussi.

« Le lendemain, nous n’avons pas été frappés. On a annoncé à beaucoup d’entre nous que nous allions être libérés, tandis que d’autres devraient encore rester jusqu’au lendemain. Nous avons dû passer devant les représentants de plusieurs organes de sécurité, donner notre nom, et s’il ne figurait sur aucune des listes, nous pouvions partir. »

24 mai 2011 - Amnesty - Cet article est repris d’ici ;
http://www.amnesty.org/fr/news-and-...


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