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Vers une nouvelle politique américaine au Proche-Orient ?

mercredi 25 mai 2011 - 08h:44

Dr Hicham Mourad - Al-Ahram/hebdo

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Le discours tant attendu de Barack Obama sur la politique américaine dans le monde arabe est, pour le moins, en deçà des attentes, voire décevant. Son intervention jeudi dernier répond à plusieurs impératifs liés aux intérêts des États-Unis, malmenés par les révoltes populaires qui secouent le monde arabe.

Le « déclencheur » de l’intervention d’Obama est sans doute le récent assassinat par une force d’élite américaine du chef d’Al-Qaëda, Ossama Bin Laden. Tout au long de son discours, Obama s’est efforcé de garder un équilibre entre, d’un côté, sa volonté de maintenir d’anciennes alliances tissées dans la région dans le but de garantir les approvisionnements énergétiques, lutter contre Al-Qaëda et contenir la République islamique d’Iran et, de l’autre côté, son désir d’afficher un soutien à la vague de révoltes populaires qui secoue le monde arabe en vue de réformes démocratiques. Les États-Unis ont été souvent accusés - notamment depuis le déclenchement du « printemps arabe » - d’avoir sacrifié leurs principes de défense de la démocratie et du respect des droits de l’homme sur l’autel de la protection de dirigeants autoritaires et de dictateurs qui servaient leurs intérêts, notamment la lutte contre l’islam radical et l’endiguement de l’Iran, bête noire de Washington. C’est ainsi que le discours d’Obama est paru émaillé de contradictions ou d’omissions. Ceci explique que M. Obama a évité dans son discours de parler de l’Arabie saoudite, chef de file des monarchies pétrolières du Golfe, et a tenu des propos bienveillants vis-à-vis du Bahreïn, hôte de la 5e flotte américaine, et dont la révolte de la majorité chiite a été écrasée par l’intervention des forces saoudiennes.

Washington cherche à l’évidence à se repositionner dans la région après les critiques qui lui ont été adressées en raison d’une politique accusée d’être inconsistante et hésitante face à la vague de soulèvements populaires qui secouaient plusieurs de ses alliés. Obama voulait gagner l’opinion publique des pays qui ont fait leur révolution, comme en Tunisie et en Égypte. C’est ainsi qu’il a annoncé une aide financière de quelques milliards de dollars pour soutenir des réformes économiques nécessaires à la réussite de la transition politique dans ces deux pays.

Mais gagner l’opinion publique arabe et reprendre l’initiative dans une région en pleine recomposition ne pourra se faire que si les États-Unis s’attaquent à la question panarabe par excellence, celle des Palestiniens. Obama le savait, et c’est pour cela qu’il a annoncé les nouvelles lignes qui guideront son pays dans la recherche d’une paix entre Palestiniens et Israéliens. Il a ainsi pressé l’État hébreu d’accepter l’établissement d’un État palestinien indépendant et viable dans les frontières de juin 1967, en réclamant au passage un échange de terrains entre les deux États. Il s’agit à l’évidence des grands blocs de colonies juives érigées en Cisjordanie et qui devraient faire partie d’Israël dans tout accord de paix futur. En contrepartie, l’État hébreu céderait des terres aux Palestiniens à titre de compensation. Bien que cette prise de position américaine sur la frontière de 1967 ne soit pas nouvelle, le fait de l’avoir mentionnée dans un discours présidentiel envoie un signal fort aux dirigeants israéliens qui ont toujours fait savoir que l’armée israélienne ne quitterait jamais la vallée du Jourdain et qu’il n’est plus question de revenir aux frontières de 1967.

Cette « nouveauté » présidentielle a malheureusement été diluée dans des manquements qui rendaient problématique et illusoire toute relance du processus de paix. Le locataire de la Maison-Blanche a, en effet, omis plusieurs paramètres importants d’une solution globale et durable du conflit palestino-israélien, notamment les questions de Jérusalem et des réfugiés palestiniens. Il a également ignoré de mentionner l’obstacle que représentent les colonies juives. Une position longtemps tenue par les Américains, mais que le président américain a abandonnée l’année dernière face à l’opposition farouche du premier ministre israélien Benyamin Netanyahu. Et c’est justement cet obstacle qui était à l’origine de l’échec, en septembre dernier, de la médiation américaine entre Palestiniens et Israéliens, un mois à peine après le début des pourparlers.

Plus important encore, Obama s’est contenté d’énoncer des principes sans annoncer un plan d’action ou une feuille de route qui passerait le débat au stade des négociations. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’envoyé spécial américain au Proche-Orient, George Mitchell, avait présenté sa démission le 13 mai, moins d’une semaine avant le discours d’Obama. M. Mitchell s’opposait à l’inaction du président américain et son refus de prendre une position ferme ou d’annoncer une nouvelle initiative qui relancerait les efforts de paix. Obama suivait en cela les conseils de son envoyé en Israël, Dennis Ross, un membre influent depuis longtemps de l’équipe américaine chargée du dossier du Proche-Orient. M. Ross déconseillait au président toute implication personnelle dans le processus de paix, afin d’éviter de créer des tensions avec l’État juif et son lobby aux États-Unis. Tel-Aviv a, de son côté, agi activement pour faire capoter la mission de M. Mitchell en évitant méthodiquement de discuter directement avec lui et en lui préférant Dennis Ross. Inconsciemment ou pas, Washington a contribué à l’échec de sa propre médiation en laissant Israël choisir son interlocuteur américain, qui a finalement pris le dessus sur celui désigné par la Maison Blanche. Ces faits ne peuvent que battre en brèche la crédibilité des États-Unis au Proche-Orient et mettre en doute leur disposition à s’investir pour parvenir à la paix. Les propos d’Obama sonnent creux.

Du même auteur :

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Al-Ahram/hebdo - Semaine du 25 au 31 mai 2011, numéro 872 - Opinion


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