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Paris enferré en Libye et en Côte d’Ivoire
Dérives françaises

mercredi 6 avril 2011 - 09h:05

K. Habib/M. Saadoune
Le Quotidien d’Oran

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Quand les Français se rendront compte que l’activisme agité de leur président aura contribué à générer les impasses dans lesquelles vont se retrouver la Côte d’Ivoire et la Libye, alors le retour de manivelle n’en sera que plus brutal.

Paris enferré en Libye et en Côte d’Ivoire

par Kharroubi Habib

Laurent Gbagbo, le président ivoirien sortant, est fini. Son départ au moment où nous écrivons est question d’heures. Il en sera de même à plus ou moins longue échéance pour le leader libyen Muammar El-Kadhafi. Ces deux aboutissements vont faire pousser des « cocoricos » pleins de suffisance à la France sarkozyenne. Sauf qu’elle risque de vite déchanter au vu de ce qui va se passer en Côte d’Ivoire et en Libye après les chutes de Gbagbo et de Kadhafi. Dans les deux cas, la France a mis les doigts dans un engrenage dont elle sera incapable de se dépêtrer et dont les développements n’augurent rien de bon pour ses intérêts nationaux dans ces deux pays et même ailleurs.

Il n’y a pas que la France comme acteur étranger impliqué dans les crises ivoirienne et libyenne. Il se trouve néanmoins que Paris y joue, pour différentes raisons, un rôle moteur qui ne lui vaut pas qu’approbation et satisfecit. Les départs de Gbagbo et de Kadhafi ne signifieront nullement la fin des crises que vivent la Côte d’Ivoire et la Libye. Ces crises se sont muées en guerres civiles qui ne cesseront pas dès l’éviction de ces deux hommes d’État qui en furent à l’origine. Leurs partisans dénoncent, à tort ou à raison, la France d’avoir outrepassé les mandats onusiens qui ont rendu possible sa participation aux interventions internationales destinées à chasser leurs « héros » nationaux respectifs et sous couvert desquelles elle a en fait appliqué ses propres plans.

En Libye et en Côte d’Ivoire, il est vite apparu effectivement que Paris s’est fixé d’autres objectifs que celui de faire respecter les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU afférents à ces deux pays. Ni l’Élysée ni le Quai d’Orsay n’en conviennent évidemment : Paris se prétend respectueux de la légalité internationale incarnée par l’ONU. Mais dans les deux cas, en Côte d’Ivoire et en Libye, c’est sa diplomatie qui a fortement contribué à rendre impossible une solution pacifique négociée de leur crise nationale et fait le forcing pour la confrontation militaire avec les régimes de Gbagbo et de Kadhafi.

Pour les camps tant en Côte d’Ivoire qu’en Libye, qui estiment être victimes d’une ingérence étrangère injustifiée, c’est la France qui la symbolise à leurs yeux. Outre qu’ils ne vont pas désarmer malgré leur défaite, ils feront de la France et de ses intérêts la cible de leur combat. Il apparaîtra alors rapidement que Nicolas Sarkozy a endossé pour son pays un rôle qui aura des répercussions négatives sur sa politique africaine et arabe.

Dans l’immédiat, il a peut-être engrangé un petit bénéfice en faisant grimper de quelques points sa cote de popularité dans l’Hexagone. Mais quand les Français se rendront compte que l’activisme agité de leur président aura contribué à générer les impasses dans lesquelles vont se retrouver la Côte d’Ivoire et la Libye, alors le retour de manivelle n’en sera que plus brutal.

En faisant prendre à la France une position en flèche dans les deux crises, Nicolas Sarkozy et ses diplomates ont cru que cela lui permettra d’être influente dans la Libye post-Kadhafi et de conserver celle prépondérante qu’elle a en Côte d’Ivoire. Un calcul de courte vue qui n’a pas tenu compte des rancoeurs et des haines que l’agitation française suscite et pas seulement dans ces deux pays.

Plus qu’un État ayant apporté sa contribution à la réalisation de décisions émanant du consensus onusien, la France sarkozyenne est perçue comme un pays qui n’a pas renoncé à jouer à la grande puissance capable d’imposer ses volontés. Quitte à renouer avec son passé colonial et ses pratiques contraires aux droits des peuples et de l’homme.

Analyse

Dérives françaises

par M. Saadoune

Trop de musulmans en France. Les présumés musulmans de France, les beurs et les blacks pour être un peu plus précis, qu’ils fassent la prière ou non, qu’ils soient croyants ou athées, ont appris à faire avec ce discours des factieux de l’extrême droite. Beaucoup ont appris à hausser les épaules devant les stigmatisations répétées et à laisser les chiens aboyer.

Mais quand un ministre de l’Intérieur, en charge de l’ordre public et des cultes, reprend à son compte ces élucubrations, ces musulmans ont de sérieuses raisons de s’inquiéter. Il faut noter que ceux qui à droite ont décidé de remettre encore une fois l’Islam et les musulmans au c ?ur de leur sauce électorale, prennent le soin de dire que 99% des musulmans ne posent aucun problème à la République.

Comment expliquer alors que l’Islam soit mis en permanence au centre des discussions comme s’il était la source de tous les problèmes de la France ? La droite française joue avec le feu. Elle croit que créer un climat de guerre civile et multiplier les provocations permettraient de reprendre des électeurs au Front national.

En réalité, cette droite a banalisé les idées racistes et xénophobes et fait comprendre aux électeurs qu’il n’y a aucun mal à préférer l’original à sa honteuse copie. En matière de copie, le ministre de l’Intérieur français fait fort. Le parti de Le Pen peut sans hésitation affirmer que ses idées racistes se sont enracinées au ministère de l’Intérieur. Le prédécesseur de M. Guéant a été condamné pour propos racistes. M. Guéant est sur la même pente et il suscite, à juste titre, une vague d’indignation chez les musulmans comme à gauche.

Ces 99% de musulmans qui « ne posent pas de problème » ont un très grave problème avec des politiciens en perdition électorale. Ils ont de bonnes raisons de se demander jusqu’où peut aller la droite française dans sa course derrière les électeurs du Front national.

On ne sait pas vraiment comment les musulmans de France pourront satisfaire M. Guéant et le rassurer. Comment résoudre cette question du « nombre » présumé excessif des musulmans ? Par l’expulsion ? La stérilisation forcée ?

Le plus frappant dans la dérive du « débat » sur les musulmans en France est son côté racial implicite. Ce sont bien les 99% qui ne posent aucun problème qui sont interpellés. Personne n’est laissé en paix, pas même ceux qui ne pratiquent pas et ils sont très nombreux. Le musulman qui est institué en « menace » n’est pas seulement celui qui prie, dans la mosquée ou dans la rue... Le musulman, c’est une couleur et des « origines » lointaines qui n’en font jamais vraiment un « vrai » Français. De ce point de vue essentialiste, il sera toujours un problème à agiter pour des politiciens sans scrupule.

Les dérives de la droite présumée républicaine vers une islamophobie franche et décomplexée confirment clairement l’état inquiétant de dégradation des m ?urs politiques en France.

Éditorial

De K. Habib :

- Libye : De l’insurrection à la guerre civile
- Paris et Londres définissent l’après-Kadhafi en Libye
- Sarko dans le costume de George W. Bush
- M.A.M., l’arbre qui cache la forêt
- Un coup pour rien
- L’Occident est en train de rater une opportunité historique

De M. Saadoune :

- Un printemps couleur de sang
- Libye : L’OTAN a le doigt sur la gâchette
- La bonne conscience de l’Empire
- Frénésie antimulsulmane
- Un sanctuaire pour les tueurs
- Le désarroi de l’équipe de Ramallah

6 avril 2011 - Le Quotidien d’Oran


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