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Renaissance de l’opposition en Tunisie

mercredi 26 janvier 2011 - 06h:48

David D. Kirkpatrick - NY

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Tunis - Pendant 14 ans Ali Larayedh a été emprisonné et torturé pour son rôle de dirigeant d’un mouvement islamiste interdit, puis il a été traqué pendant les six dernières années par l’omniprésente police secrète tunisienne.

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Ali Larayedh affirme que son parti auparavant interdit - Al-Nahda - souscrit à une politique islamiste libérale - Photo : Holly Pickett/The New York Times

Mais six jours après le renversement du dictateur Zine el-Abidine Ben Ali, M. Larayedh baigne maintenant dans une singulière célébrité. Il est l’un des rares dirigeants survivants du seul mouvement d’opposition crédible dans l’histoire de la Tunisie.

Dans la foulée de la fuite de M. Ben Ali, la possible résurrection de ce mouvement - conduit par des légions de Tunisiens de la classe ouvrière et rurale considérée avec beaucoup d’appréhension par l’élite côtière cosmopolite - est peut-être la variable la plus significative dans le futur post-révolutionnaire de la Tunisie.

A l’occasion d’une interview dans le hall de l’Hôtel Africa, monsieur Larayedh a insisté sur le fait que son parti ne représentait aucune menace pour les Tunisiens ou les touristes sirotant en bikinis du vin français sur les plages méditerranéennes. Les années de réflexion en prison et en exil ont aidé son parti, connu sous le nom d’Al-Nahda, ou Renaissance, « à élargir nos points de vue pour englober les valeurs occidentales », dit-il. Le résultat, ajoute-t-il, est une version originale de la politique libérale islamiste, mais qui ne se repent pas de ses anciens appels à la violence contre les intérêts américains dans la région.

« Nous sommes toujours contre l’ordre du jour politique d’ingérence américaine dans les pays arabes », dit-il. « L’Amérique continue de soutenir des dictatures dans les pays arabes, comme par exemple [elle a soutenu] Ben Ali. »

Mais sur d’autres questions, M. Larayedh adopte une approche plus conciliante.

« Nous sommes Musulmans, mais nous ne sommes pas contre le modernisme ». Et il a cité la forte position de son parti en faveur des droits des femmes, au point même de préconiser un quota pour assurer une représentation minimum de la population féminine au Parlement, « jusqu’à ce qu’elles obtiennent suffisamment de voix. » Et il ajoute : « Nous n’allons pas à exclure les femmes comme d’autres extrémistes. »

Sa tenue dénote une longue absence de la vie publique : un costume à rayures, des chaussettes à losanges et une chemise sans cravate boutonné jusqu’en haut. Mais M. Larayedh, âgé de 55 ans, a traversé le hall d’entrée comme comme si son prochain rendez-vous était peut-être avec le Premier ministre. Et bien qu’il ne soit plus harcelé par la police secrète, il s’est caché derrière un fauteuil pour échapper à un cortège de journalistes, de défenseurs des droits de l’homme et de politiciens en herbe désireux de lui serrer la main et de le féliciter pour son retour sur la scène politique.

Le parti islamiste en Tunisie a été fondé en 1981 par Rachid Ghannouchi, lequel attend maintenant un retour d’exil à Londres. En 1989, ce parti avait emporté près de 20% des voix aux élections législatives pourtant truquées par le gouvernement de Ben Ali, ce qui laisse supposer que sa véritable audience était probablement beaucoup plus élevée.

Certains analystes occidentaux avaient craint à l’époque que le parti ne puisse attirer la Tunisie, un allié fiable en Afrique du Nord, vers un environnement hostile - l’Islam radical - en particulier pendant la guerre du golfe de 1991, lorsque M. Ghannouchi avait appelé à des attaques contre les intérêts américains dans la région pour venger l’invasion d’un pays musulman.

A cette époque, aux débuts des années 1990, la police secrète du président Ben Ali a commencé une campagne qui a systématiquement effacé presque toute trace du groupe. Elle a emprisonné et torturé des milliers de personnes - beaucoup d’entre elles, ainsi que leurs enfants, étaient dans les rues la semaine dernière pour chasser Ben Ali du pouvoir - tout en envoyant de nombreux autres dirigeants islamiques en exil. Les hommes à longue barbe ou les femmes voilées musulmanes disaient craindre des discriminations à l’emploi ou des interrogatoires de police en raison de la vigilance du gouvernement de Ben Ali à l’égard du mouvement politique islamiste.

Interrogé à propos de l’appel de M. Ghannouchi à la violence, M. Larayedh dit seulement que ce sont là des moments différents. Mais il dit aussi que son parti est opposé à l’ingérence américaine dans les pays arabes. « C’est pourquoi les gens partout dans le monde arabe haïssent l’administration américaine, » dit-il encore. « Et nous sommes contre toutes les troupes étrangères dans les pays arabes, et pas seulement les troupes américaines ; il semble que nous ne sommes vraiment pas des pays indépendants. »

M. Larayedh a été dans l’impossibilité de descendre dans la rue lors des récentes manifestations en raison de son escorte policière, explique-t-il, et il a été aussi surpris que quiconque lorsque M. Ben Ali a soudain pris la fuite. « Aucun de nous ne s’attendait à ce que le gouvernement Ben Ali tombe aussi vite, comme un message SMS », dit-il, faisant allusion à la masse de messages que les jeunes manifestants ont diffusés pour partager des photos et se coordonner.

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20 janvier 2011 - The New York Times - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.nytimes.com/2011/01/21/w...
Traduction : Info-Palestine.net


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